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Labo d'archéologie : l'Egyptologie
... l’Égyptologie
Dans les précédentes fiches, nous avons vu l'histoire de l’Égypte et la façon de vivre des Égyptiens.
Toutes ces connaissances n'ont pas été accumulées en quelques années. En réalité, voilà plus de deux cents ans que des chercheurs explorent les sables et les bords du Nil.
Mais savez-vous quand a commencé la passion pour l’Égypte antique, et à qui on la doit ? Et bien, on la doit à... Napoléon ! Ou plutôt à la cohorte de savants qui l'avaient accompagné dans son expédition contre les Mamelouks.
Véritable révélation pour les aristocraties européennes, la civilisation millénaire de l’Égypte s'extirpait des dunes et de l'oubli presque par hasard, grâce à une expédition militaire. Depuis et jusqu'à nos jours, on n'a cessé d'exhumer des trésors artistiques et historiques.
Voyons un peu les grandes dates de cette aventure :
1798 :
Napoléon n'est encore que le général Bonaparte quand il embarque avec son armée pour Alexandrie. Il doit se rendre maître de l’Égypte pour réduire l'influence anglaise dans cette région du monde.
Pour éviter de donner à son entreprise un aspect de conquête, il prend soin de s'adjoindre un véritable régiment de scientifiques. Ils seront chargés de répertorier les plus belles et glorieuses traces du passé.
Ils sont plus de cent cinquante savants: mathématiciens, chimistes, géomètres, médecins, architectes, peintres, botanistes,... Parmi eux, Dominique Vivant Denon, qui deviendra le premier patron du musée du Louvre.
D'un point de vue militaire, l'expédition d’Égypte ne fut pas le triomphe escompté. La seule victoire remportée fut la Bataille des Pyramides. La légende raconte que Bonaparte, haranguant ses troupes y prononça la phrase célèbre : "Soldats, songez que du haut de ses pyramides, quarante siècles vous contemplent !"
Mais si la campagne guerrière fut perdue, la science et la mémoire humaine y ont énormément gagné.
On créa à cette occasion une institution qui perdure encore: l'Institut d’Égypte.
1799 :
Pendant des travaux de terrassement, un officier français fera une découverte apparemment anodine. A Rosette, à l'est d'Alexandrie, il met au jour une stèle de basalte noire couverte d'écritures.
Elle ne tardera pas à faire parler d'elle et à devenir célèbre sous le nom de pierre de Rosette.
1802 :
La somme de connaissances amassées commencent à être regroupées et présentées au public. Vivant Denon publie "Voyage en basse et haute Égypte", témoignage sur la campagne illustré de nombreuses planches de sa main.
1809 :
C'est quelques années plus tard que commencera la publication d'une encyclopédie considérable : "Description de l’Égypte". Inventaire complet des découvertes, elle comprend 20 volumes: 9 de textes et 11 atlas de planches.
La publication de l'ensemble s'étalera jusqu'en 1830.
1824 :
Pour l'heure, si on constate la grandeur et la finesse des monuments, on est encore incapable de comprendre en profondeur la civilisation égyptienne. Il manque un élément essentiel pour y parvenir: savoir lire les hiéroglyphes.
Et c'est grâce à un tout jeune homme que l'on y parviendra: Jean-François Champollion.
Né en 1790, il a 13 ans quand il découvre les merveilles de l’Égypte dans l'ouvrage de Vivant Denon. Génie des langues, les hiéroglyphes le fascinent et il se promet de les déchiffrer. Pour réussir la mission qu'il s'est fixée, il apprend seul le grec, le latin, l'hébreu, l'arabe, l'araméen,...
C'est alors que réapparaît la pierre de Rosette. Accaparée par les anglais, elle est conservée au British Museum mais une transcription en avait été faite. C'est sur elle que Champollion travaille. La stèle comporte 3 textes en écritures différentes. L'une en hiéroglyphes, l'autre en démotique (l'égyptien "moderne" de l'époque) et la dernière en grec.
En effet, la pierre de Rosette date de 196 avant J.C., en pleine période hellénistique. Ainsi c'est en faisant correspondre le texte grec avec celui en hiéroglyphes que Champollion trouve la clé de déchiffrage.
Il publie son étude en 1824 sous le titre "Précis du système hiéroglyphique".
1828 :
Champollion organise une expédition scientifique au cours de laquelle il met à l'épreuve sa méthode de traduction. Sur les parois des multiples monuments, il peut confirmer ses intuitions et s'apercevoir que son système de décodage fonctionne.
Cette fois, la grande vogue de l'égyptomanie est lancée. Tout le petit monde aristocratique veut posséder des antiquités égyptiennes et de nombreux aventuriers partent chercher une fortune facile. Il suffit de creuser un peu pour découvrir d'inestimables trésors à vendre à prix d'or à des collectionneurs.
Le consul de France, Bernardino Drovetti (1810-1829) se livre ainsi à du trafic d'antiquités. Il parvient à réunir trois belles collections qu'il vendra aux musées de Turin, du Louvre et de Berlin.
De son côté, Henry Salt, consul d'Angleterre ne se prive pas de faire pareil. Il fournira de multiples pièces au British Museum et au Louvre. Son "agent" le plus fameux est un aventurier italien: Giovanni Battista Belzoni.
Véritable colosse à la force prodigieuse, Belzoni est un personnage atypique. Il découvre de nombreuses tombes de la Vallée des Rois, sort du sable le temple d'Abou-Simbel, ouvre la pyramide de Kephren (1818),...
Ses méthodes peu scrupuleuses et son manque de rigueur lui valent une mauvaise réputation. Considéré comme pilleur plus que comme scientifique, il est malgré tout l'un des plus grands découvreurs de l’archéologie égyptienne.
Pendant plusieurs décennies, la France, l'Angleterre et la Prusse vont faire main basse sur les trésors du Nil, en remplissant sans scrupules leurs propres musées au détriment des populations locales.
Mais bientôt, même si l'influence de ces trois pays restera importante, les autorités égyptiennes vont cependant réussir à limiter l'hémorragie de leurs trésors nationaux.
1858 :
Le français Auguste Mariette est nommé Directeur des travaux d'antiquités par le vice-roi.
Il met fin aux trafics et organise de manière plus scientifique les recherches en lançant des fouilles officielles à Gizeh, Saqqarah, Abydos, Thèbes,...
Pendant plus de 20 ans, il sera le chef incontesté de l’Égyptologie et il fondera le musée égyptien en 1863.
1881 :
A sa mort, c'est Gaston Maspero qui lui succède.
Il va effectuer d’importantes fouilles à Saqqarah, mais aussi à Deir el-Bahari. On a retrouvé dans ce lieu une importante cachette de momies royales. Elles avaient été mises à l'abri des pilleurs de tombes pour les préserver. Parmi elles, Séti Ier, Touthmosis II mais surtout... Ramsès II ! Sa tombe de la Vallée des Rois est depuis longtemps vide mais grâce aux anciens égyptiens, sa momie a pu être épargnée.
Maspero dirige aussi les désensablements du Sphinx de Gizeh et du temple de Louqsor. Conservateur à la suite de Mariette du musée d’Archéologie égyptienne de Boulaq au Caire, il réalise le projet de son prédécesseur de construire un plus vaste musée au centre de la capitale. Il l'inaugure en 1903.
1922 :
Un autre très grand moment de l’Égyptologie se déroule cette année-là. Il s'agit de la découverte du seul tombeau intact à ce jour. Celui de Toutankhamon.
En arrivant au Caire, l'anglais Howard Carter rencontre Gaston Maspero qui semble l'apprécier. En 1899, Maspero lui propose un poste d'inspecteur général des monuments en Haute-Égypte au Conseil suprême des Antiquités égyptiennes.
Il finira par démissionner et c'est sa rencontre avec un autre britannique qui lui ouvrira les portes de la gloire. Lord Carnarvon est un aristocrate fortuné et un archéologue amateur. Plus chevronné que lui, Carter lui apporte sa caution professionnelle tandis que lui assurera le financement. Pendant des années, ils fouillent à de nombreux endroit avant de s'entêter dans un projet fou: découvrir un tombeau intact.
Par son érudition, Carter connaît bien la longue liste des Pharaons du Nouvel Empire. Et il remarque que même si la Vallée des Rois est un véritable gruyère, il n'y a aucune trace dans les dizaines de tombes explorées de celle d'un pharaon au règne très court: Toutankhamon.
Pour Carter, c'est devenu une idée fixe: il doit découvrir l'hypogée de Toutankhamon. Il a l'espoir, peut-être la prémonition, qu'il le dénichera intact.
Après des années de recherches, d'espérances déçues, de découragement, après avoir failli abandonner, les deux hommes mettent finalement au jour les premières marches de la tombe en novembre 1922. La suite est pour eux un rêve éveillé. A ce jour, la tombe KV62 (Kings Valley n°62) est la plus grande découverte de toute l'histoire de l’Égyptologie.
Car c'est bien une tombe inviolée qui s'offre à leurs yeux médusés. Et elle regorge d'objets. Un mobilier d'une richesse infinie est amassé dans quatre minuscules pièces, signe que le tombeau, trop petit, n'est sans doute pas celui prévu à l'origine.
Voilà une photo prise au moment de la découverte. Le noir et blanc suffisait à enflammer l'imagination à l'époque mais il faut bien avouer que nos regards modernes rendent moins compte de la richesse du lieu.
Pour admirer avec les mêmes yeux que Carter et Carnarvon toute la splendeur qui leur éclatait au visage et pour comprendre leur intense émotion, une exposition récente a reconstitué l'antichambre :
Rien n'avait bougé depuis trois mille ans et même Pharaon était encore présent, abrité dans son immense sarcophage et ses cercueils emboîtés :
Il fallut plusieurs mois pour dégager et inventorier tout le matériel et découvrir les autres chambres. L'ensemble de l'hypogée ressemblait à ça :
De nombreuses découvertes se succèdent ensuite, réalisées par des équipes internationales. Elles sont moins spectaculaires et plus aucune n'aura le même retentissement ni ne suscitera la même émotion mondiale. Mais elles ajouteront des pages entières aux encyclopédies.
1960 :
C'est justement en suivant dans la presse la fabuleuse aventure de Toutankhamon qu'une petite fille née en 1913 se passionne pour l’Égypte. Elle en fera une longue et brillante carrière.
Première femme Égyptologue, Christiane Desroches-Noblecourt a été longtemps conservatrice du département des antiquités égyptiennes au Louvre.
Si elle est l'auteur de nombreux ouvrages et d'études brillantes, on la connaît surtout pour un coup d'éclat mondial.
Au début des années 1960, la communauté internationale s'émeut. Nasser, qui gouverne l’Égypte a décidé la construction d'un barrage à Assouan, pour réguler les crues du Nil. Or, cet ouvrage va condamner de nombreux temples à disparaître sous les eaux, notamment les temples d'Abou-Simbel, construits par Ramsès II.
A la tribune de l'UNESCO, Christiane Desroches-Noblecourt lance un vibrant appel pour sauvegarder ce précieux patrimoine de toute l'humanité. Un appel qui sera entendu par les plus grands pays qui accepteront de financer ce sauvetage.
C'est une entreprise... pharaonique qui débute alors. Les temples sont découpés, démontés et remontés bloc par bloc 64 mètres plus haut, à l'abri des flots.
La France, poussée par l'énergique et déterminée Madame Desroches-Noblecourt, prendra en charge toute seule le sauvetage du temple d'Amada. L’événement fera la une de l'actualité :
Depuis que Bonaparte l'a remise en avant, la passion pour l’Égypte ne s'est jamais démentie. Nos connaissances ne cessent de croître. Le monde entier dispose désormais d'éminents spécialistes qui bénéficient des technologies les plus récentes. Chaque jour apporte de nouvelles révélations, ou une connaissance plus approfondie de la plus longue civilisation de toute l'histoire de l'humanité.
Voilà ! J'espère que vous en savez plus sur l’Égyptologie maintenant. Et surtout que ça vous donnera envie de faire marcher votre imagination ou de devenir égyptologue. Parce qu'il reste encore un grand mystère à résoudre : on ne sait toujours pas comment ont été construites les pyramides !
Tags : egypte, egyptiens, egyptologie, Champollion, pierre de Rosette, Abou Simbel, Vivant Denon, Carter, Toutankhamon
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