• Réponses des candidats à la présidentielle : Chapitre 1

    Petit préambule : Dans mon p'tit bouquin, j'ai interpellé les candidats à l'élection présidentielle pour leur demander de me détailler leurs ambitions pour l'école.

    Le sujet de l'éducation est d'importance, voire primordiale, nous en sommes tous d'accord. Alors, avant de voter, on aimerait bien connaître la vision d'avenir que portent ceux qui réclament nos suffrages.

    Le plus simple pour savoir ce que quelqu'un pense, c'est encore de lui poser la question. Même s'il ne répond pas, ou s'il répond à côté, ça nous donne déjà une petite idée de l'importance qu'il accorde au sujet.

    J'ai donc posé la même question à tous les candidats en joignant à mon livre ce courrier :

     

    Alors, qui répondra ? Et surtout quoi ?

     

    Premier Candidat

     

    A notre grand concours "qui qui répondra l'premier ?", le gagnant est..

     

    Réponses des candidats à la présidentielle : Chapitre 1

    François Fillon

     

    Pas très étonnant, finalement. Le type est aux abois, il faut bien essayer de grappiller toutes les voix possibles. Et ça se sent dans son ton d'une politesse qui en remontrerait à n'importe quel interlocuteur de l'Éducation Nationale (enfin, en tout cas, la plupart de ceux avec qui j'ai eu la joie d'échanger).

    Que nous dit donc l'ancien Ministre de l'Éducation Nationale et ancien Premier Ministre ? (Des titres qui prouvent à n'en pas douter qu'il s'y connaît ou je ne m'y connais pas !)

    Je vous laisse le découvrir :

    Vous le voyez, Monsieur Fillon ne ménage pas ses efforts pour me convaincre.

    17 lignes en tout (j'ai compté le "Cher Monsieur", ne soyons pas mesquins), dont à peine 6 pour développer son projet éducatif.

    Deux solutions : soit Monsieur Fillon s'en fout, soit il s'en contrefout. Soit le thème de l'éducation ne l'intéresse pas, soit répondre à ma question ne l'intéresse pas.

    6 lignes contre 372 pages !!!!!

    Avouons tout de même que la réponse manque un peu de profondeur et n'est pas vraiment à la hauteur de l'enjeu. Si ce courrier était destiné à m'inciter à voter pour lui, c'est un peu court. Une telle désinvolture risque surtout de m'inciter à aller me promener dans les bois ce jour-là.

    Voilà un "service minimum" qui s'apparente surtout à un triste gâchis d'encre et de papier. J'ai bien compris que Monsieur Fillon n'avait pas grand-chose à me dire, aussi, il aurait pu faire l'économie d'un timbre. Ça lui aurait évité de jeter de l'argent par les fenêtres.

    Mais on a déjà cru comprendre que l'argent ne lui coûte pas cher puisqu'en général, c'est le nôtre.

    Une coïncidence amusante fait que j'ai reçu ce courrier le même jour que ma carte d'électeur. J'en ris encore !

    Il convient également de préciser que l'enveloppe qui contenait cette précieuse missive était fort discrète, sans mention d'expéditeur, sans logo ni quoi que ce soit qui aurait permis d'identifier sa provenance.

    C'est parce que, voyez-vous, on se parle entre quat'z'yeux, d'homme à homme, loin des regards (et peut-être aussi qu'une certaine paranoïa due aux circonstances pousse à se méfier des postiers indiscrets ?).

    Mais analysons désormais, comme nous aimons le faire, les termes de ce courrier.

    "Dans mon combat (...), je suis heureux de pouvoir compter sur votre soutien."

    Oh, là ! On se calme, Fanfan ! Mon soutien, pour l'instant, je le garde bien au fond de ma poche. Et au vu de ces ambitieuses ambitions, il y a peu de chances qu'il soit le gagnant de la loterie.

    M'enfin... Si ça peut le consoler, les autres me semblent mal partis aussi...

    "Soyez assuré que votre livre viendra enrichir ma réflexion."

    Qu'est-ce que vous dites de ça ? C'est pas la classe ? Figurez-vous que je vais lui enrichir la réflexion ! Non mais, alors, hein...

    On notera qu'en toute fin de son courrier, il a pris le temps de griffonner lui-même, de sa main altière et assurée, un gentil petit mot personnel : "Bien à vous, blee blee". (Ah, non, pardon, la fin, c'est sa signature)

    On notera également que dès le début de son message bouleversant, Monsieur Fillon m'avertit qu'il a "personnellement pris connaissance" de l'ouvrage. Il ne prétend pas l'avoir lu, rendons-lui la justice de ne pas me le laisser croire. Pour une fois, on ne pourra pas le prendre en flagrant délit de mensonge.

    Les mots sont importants ! "Pris connaissance" ! En regardant la couverture, peut-être, mais sûrement pas en le feuilletant. Car s'il l'avait feuilleté, il serait sans doute un peu moins sûr de mon soutien. Et en "prenant connaissance" du chapitre 19, où un passage peu à son avantage lui est consacré, il aurait sans doute un peu moins tenu à me "remercier très sincèrement".

    Sans vouloir tirer sur l'ambulance, je m'étonne que l'indispensable Pénélope n'ait pas pris le temps de lui fournir une fiche de lecture. Il paraît qu'elle les fait très bien.

    Penchons-nous à présent sur les ébouriffantes réformes que Monsieur Fillon envisage (ça ne devrait pas nous prendre longtemps) :

    1 - "Recentrer l'Éducation sur son objectif premier, l'apprentissage des fondamentaux."

    Comment ? Par quels moyens ? Quelles réformes ? On ne sait pas. Votez pour moi, vous verrez bien après.

    2 - "S'assurer que tous les élèves les maîtrisent à la sortie du système scolaire".

    Mêmes questions que précédemment. De belles déclarations d'intention mais que c'est flou, tout ça, que c'est flou...

    3 - "La priorité sera de donner plus d'autonomie aux établissements scolaires".

    Soit ! Pourquoi pas ? Mais après ? Comment concilier et emboîter "l'objectif premier" cité plus haut avec cette "priorité" ? Parce que le recentrage sur les fondamentaux sous-entend plutôt une forme de dirigisme (au moins sur les programmes) peu compatible avec plus d'autonomie. Des éclaircissements ? Non ! Votez pour moi, j'éclaircirai plus tard.

    4 - "Soutenir concrètement les enseignants".

    Bien sûr, il ne s'agirait pas de les oublier. Je suis certain que ceux d'entre eux qui lisent ces lignes seront ravis de savoir qu'ils seront "concrètement soutenus". Nul doute que ça va leur changer la vie. On ne sait pas trop comment mais... Dites donc, ils ne vont tout de même pas venir se plaindre. Pour une fois qu'on leur propose du concret !

    5 - "Faire commencer la scolarité obligatoire à 5 ans au lieu de 6 ans."

    Là, il faut bien avouer que cette petite phrase nous grattouille un peu.

    D'abord, parce qu'une fois de plus, on mélange allégrement scolarité obligatoire et instruction obligatoire. Un flou savamment entretenu qui ne dit jamais rien de bon.

    Ensuite, parce que, franchement, est-ce vraiment une priorité absolue de vouloir rendre obligatoire quelque chose qui est pratiqué par plus de 95% de la population ? A quoi ce genre de mesure, quel que soit le mal ou le bien qu'on en pense, à quoi ce genre de mesure peut-il servir ?

    Comment quelque chose qui est déjà appliqué en masse pourrait profondément changer les défaillances de l'école par la magie d'une obligation ? Comment imposer un peu plus tôt ou un peu plus tard un système en panne permettrait-il de le faire aller mieux ?

    Proposer ce genre de mesure (par surcroît en réponse à un livre qui établit la faillite du système), c'est avouer qu'on n'a rien compris aux problèmes de l'éducation en France (mais nous le savions déjà).

    Et voilà ! N'en demandez pas plus, on a fait le tour !

    Votre boucher habituel vous aurait sûrement dit : "Y'a un peu plus, j'vous l'mets quand même !" mais pas Monsieur Fillon. Avec Monsieur Fillon, y'a pas plus ! Et devant son étal, on reste sur notre faim.

    Du vide, du flou, de l'imprécis, de l'inutile... Force est de reconnaître qu'avec un programme aussi touffu, écrire plus de six lignes aurait été du remplissage.

    On pourra toujours venir me dire que ce n'est pas là tout son programme, qu'en meeting, il dit bien d'autres choses. Peut-être... Il n'empêche...

    Si Monsieur Fillon avait vraiment un programme pour l'école, que ne me l'a-t-il exposé en détail ? Je lui en ai laissé toute latitude et je l'y avais même invité. 

    Comme il n'a pas choisi de le faire, je suis obligé de considérer tout ce qu'il dira en meetings, débats ou interviews comme des "paroles, paroles, paroles, paroles, toujours et encore des paroles " qu'il "sème au vent".

    La seule source officielle dont je dispose pour juger (et dont on ne peut pas douter qu'elle reflète son exacte pensée), c'est bien ce courrier qui porte sa signature personnelle. Et dans ce courrier, il n'y a rien d'autre que les points énumérés ci-dessus, soit vraiment pas grand-chose.

    Donc, pour ce candidat-là, c'est fait !

    Nous sommes fixés, ce n'est pas sur lui qu'il faudra compter (à moins que cet interminable catalogue de mesures de bon sens, précises et chiffrées, détaillées et exhaustives n'ait réussi à vous convaincre).

    6 lignes contre 372 pages !!!!

    Allez ! Assez perdu de temps !

     

    Au suivant...

     

     

     

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