• La réforme du collège est lancée ! Lancée un peu trop fort, semble-t-il, et qui a de grandes chances de s'écraser au sol lamentablement comme un fruit trop mûr plutôt que de se poser avec la grâce et la légèreté d'un papillon. Mais ça, c'est parce que les papillons se font, hélas, de plus en plus rares dans nos campagnes.

    Qu'est-ce donc exactement qu'une réforme dans l’Éducation Nationale ? Pour mieux comprendre, visualisons ce document :

     reforme du college

    On peut s'enivrer de mots jusqu'à plus soif mais depuis trois décennies au moins, n'importe quelle réforme se limite à ce petit panneau. Celle-ci, vous vous en doutez bien, n'y échappera pas.

    Au sujet de cette réforme justement, puisque personne ne m'a demandé mon avis, je n'hésiterai pas à le donner et je n'irai pas par quatre chemins :  je m'en contrefiche !

    C'est amusant, je ne sais pas si vous êtes comme moi, parents instructeurs, mais je ne me sens pas, mais alors pas du tout, concerné. Ils peuvent bien faire ce qu'ils veulent de leur collège en décomposition... Un petit coup de peinture sur les moisissures, ça fera peut-être un peu plus joli dans mon paysage quand d'aventure, je passerai devant mais à part ça... Je ne vois vraiment rien d'autre qui pourrait éventuellement me concerner.

    Donc, ne comptez pas sur moi pour vociférer inutilement contre les mesurettes qui seront adoptées de toute façon, quoi qu'on en pense, et qui seront annulées dès le prochain changement de majorité. Il semble que les parents d'enfants scolarisés aiment encore occuper leurs dimanches à participer à des manifestations vaines, mais les parents d'enfants non-scolarisés, eux, n'ont certainement pas un dimanche libre à consacrer à ce genre de fantaisie. Allez expliquer aux deux petits derniers que la sortie à la ferme est annulée parce que papa et maman vont crier dans la rue avec plein de gens et venez me raconter ensuite si vous avez survécu à cette périlleuse expérience !

    Ce que je retiens surtout dans cette nouvelle volonté de sauver l'école (il est interdit de pouffer !), c'est que ce sont ses pires démolisseurs qui sont en charge de la reconstruire. Un peu comme si, pour vous sauver de la noyade, le maître-nageur venait vous tenir la tête enfoncée sous l'eau.

    Je ne jugerai pas la réforme sur le fond, je vous ai déjà dit plus tôt tout l'intérêt que je lui porte. Mais ils n'échapperont pas à un petit rappel, pour dégonfler un peu leur orgueil de grands spécialistes de la chose, pour les remettre à leur juste place et pour leur jeter à la figure les évidences qu'ils s'appliquent à essayer de nous faire oublier. Sauf que... S'ils n'ont pas de mémoire, nous si !

    Ainsi, les mois à venir vont être riches de débats de haute tenue entre les fossoyeurs de l'éducation d'un côté et les croque-morts de l'école de l'autre. Les médias vont vrombir de sentences impitoyables, d'accusations accablantes, de jugements définitifs... Nous allons assister, comme chaque fois, à des polémiques de très haut niveau, de celles qui font briller la France au-delà de ses frontières, suscitant l'admiration du monde entier devant l'époustouflante rhétorique de nos élites. Pour résumer la teneur du dialogue, nous savons d'ores et déjà que nous aurons droit à des plaidoiries prodigieuses dans le genre: "C'est pas nous, c'est vous, d'abord !" auxquelles répondront de mirobolantes ripostes du style: "C'est même pas vrai, c'est celui qui dit qu'y est !".

    façade de l'assemblée nationale

    Façade de l'Assemblée Nationale

    Le grand Barnum est donc lancé dans le temple de l'invective complice. Ils vont glorieusement s'écharper verbalement, hurlant à tue-tête et la main sur le cœur, en jurant de la pureté de leurs convictions respectives qui, pour l'essentiel, étaient exactement inversées quand leurs propres fonctions étaient permutées.

    Parce qu'il ne faut pas s'y tromper: c'est le même cinéma depuis des années. La majorité défend une réforme audacieuse face à une opposition qui prône le nivellement par le bas et dans quelques mois, la nouvelle majorité défendra une réforme par le bas face à la nouvelle opposition qui prônera le nivellement audacieux. Ou à peu près !

    Bref, ça parlemente, ça sénate, ça décrète et pendant ce temps-là, le bateau reste à quai, à marée basse, la quille enfoncée dans la vase.

    Il suffit, pour s'en convaincre, de dresser la liste des capitaines qui ont eu les mains sur la barre au cours des trente dernières années :

    Président de la République:

    La continuité dans le changement

    François Mitterrand

    (1981-1995)

    GAUCHE

    Ministres:

    • La continuité dans le changement  Jean-Pierre Chevènement (19-07-84/20-03-86)       GAUCHE
    • La continuité dans le changement  René Monory (20-03-86/12-05-88)                               DROITE
    • La continuité dans le changement  Lionel Jospin (12-05-88/02-04-92)                               GAUCHE
    • La continuité dans le changement  Jack Lang (02-04-92/30-03-93)                                     GAUCHE
    • La continuité dans le changement  François Bayrou (30-03-93/18-05-95)                          DROITE

    *************************

    Président de la République:

     La continuité dans le changement

    Jacques Chirac

    (1995-2007)

    DROITE

    Ministres:

    • La continuité dans le changement  François Bayrou (18-05-95/04-06-97)                           DROITE
    • La continuité dans le changement  Claude Allègre (04-06-97/27-03-2000)                        GAUCHE
    • La continuité dans le changement  Jack Lang (27-03-2000/17-06-2002)                            GAUCHE
    • La continuité dans le changement   Luc Ferry (17-06-02/31-03-04)                                      DROITE
    • La continuité dans le changement  François Fillon (31-03-04/02-06-05)                             DROITE
    • La continuité dans le changement  Gilles de Robien (02-06-05/18-05-07)                           DROITE

    *************************

    Président de la République:

     La continuité dans le changement

    Nicolas Sarkozy

    (2007-2012)

    DROITE

    Ministres:

    • La continuité dans le changement  Xavier Darcos (18-05-07/24-06-09)                               DROITE
    • La continuité dans le changement  Luc Chatel (24-06-09/16-05-12)                                     DROITE

    *************************

    Président de la République:

    La continuité dans le changement

    François Hollande

    (2012-????)

    GAUCHE

    Ministres:

    • La continuité dans le changement  Vincent Peillon (16-05-12/02-04-14)                            GAUCHE
    • La continuité dans le changement  Benoît Hamon (02-04-14/26-10-14)                              GAUCHE
    • La continuité dans le changement  Najat Vallaud-Belkacem (26-10-14/??-??-??)          GAUCHE

     *************************

    Trente ans, c'est une durée qui semble raisonnable pour dresser un petit bilan. Les enfants scolarisés au début de cette liste ont eu le temps de devenir parents et de constater, comme tous les classements internationaux le dévoilent année après année, la déliquescence totale de notre système scolaire.

    Que constate-t-on ? 15 ministres en 30 ans ! Soit une moyenne de deux ans par ministre ! Reconnaissons que ce n'est pas spécifique à l’Éducation Nationale, tous les ministères sont concernés. Deux ans, c'est la durée de vie d'un ministre. Autant dire qu'ils ont tout loisir de travailler dans la durée et de lancer des chantiers ambitieux.

    Imaginez un enfant qui commence l'école obligatoire de leurs rêves. Il a donc 6 ans. A la fin de son obligation d'instruction, à 16 ans, il aura donc connu au moins cinq ministres qui auront chapeauté son apprentissage et agi pour son bien, il aura subi X réformes, toutes destinées à lui permettre de réussir. Et bien souvent, les ministres se seront contredits et les réformes se seront annulées mutuellement. Mais toute sa scolarité aura été heureuse et épanouie, avec la conviction qu'au plus haut sommet de l'état, on agissait pour son bien.

    Quand on lui a supprimé un jour d'école, il s'est réjoui qu'on prenne enfin en compte ses rythmes biologiques. Il le savait bien, lui, que quatre jours de prison par semaine, c'était suffisant.

    Quand on lui a rajouté le jour d'école qu'on venait de supprimer, il a bondi de joie qu'on prenne enfin en compte ses rythmes biologiques. Il s'en était bien rendu compte, lui, qu'il était plus fatigué.

    Quand on a réparti le jour d'école supprimé mais finalement rajouté sur deux demies-journées trois quarts, entre 8h40  et 8h48 le matin, puis de 16h00 à 16h23 l'après-midi, sauf le mardi, il a vite réalisé que c'était drôlement intelligent et vraiment bien plus simple.

    debat sur la reforme du college

    Séance à l'Assemblée pendant le débat sur la réforme du collège

    Comme chaque fois, ils vont donc dresser le chapiteau et, chacun leur tour, les clowns vont entrer sur la piste. Ils feront leur numéro habituel, l'auguste flanquant avec ses grandes chaussures d'énormes coup de pieds aux fesses du clown blanc. Et le clown blanc fera semblant d'être surpris, provoquant l'hilarité générale.

    Les uns vous diront que les autres sont nuls, les autres vous diront que les uns sont incompétents. Ne les croyez pas ! Ils huent pour la galerie, ils tempêtent pour amuser les spectateurs de l'orchestre.

    Sauf que les faits sont têtus ! Depuis 30 ans, l'école française périclite, s'émiette, tombe en poussière... Et les torts, qu'ils l'admettent ou non, sont parfaitement partagés.

    Car il suffit de compter ! En 30 ans, si l'on se fie à la liste ci-dessus, et si l'on écarte ce pauvre Monsieur Hamon qui aura tout juste eu le temps de refaire le papier peint de son bureau, on arrive à une parfaite égalité.

    Si vous n'avez pas le courage d'éplucher la liste, voyez ce petit résumé :

    30 ans d'éducation Nationale

    2 présidents de gauche                                              2 présidents de droite

    7 ministres de gauche                                                7 ministres de droite

       15 ans de mandat à gauche                                     15 ans de mandat à droite

    Noir sur blanc ! (enfin, vert sur beige, ne chipotons pas !) Il n'y a pas à tergiverser, il n'y a qu'à constater. Refaites les comptes autant de fois que vous le souhaitez mais les mathématiques sont tenaces et ne se laissent pas tordre facilement.

    30 ans de gabegies et d'impérities partagées ! Et nous en sommes là ! Ou plutôt, l'école en est là !

    Alors, ils peuvent bien aboyer... Ils peuvent défendre la réforme qu'ils veulent ou son exact contraire, ça a si peu d'importance puisqu'au bout du compte, rien ne sera vraiment fait de ce qu'il faudrait faire.

    Voilà pourquoi les plus lucides d'entre nous ont compris qu'il n'y  aucun salut à attendre de leur part. Ils continueront à bidouiller, à se targuer d'idées géniales, à se rejeter les fautes pour aussitôt commettre les mêmes.  Ils continueront à assurer le spectacle devant les caméras, tourbillonnants, virevoltants pour se donner l'air d'agir. Et ils continueront à ne pas prendre en compte les précieux conseils de pédagogues bien plus avisés qu'eux. Ils continueront à refuser aveuglément les solutions proposées par ceux qui ne sont pas du sérail. Ils continueront de se méfier et de durcir les règles pour les parents instructeurs ou les écoles hors contrat. Ils continueront avec la même obstination bornée qui caractérise les imbéciles à ne rien tenter d'autre que ce qu'ils savent si mal faire.

    On pourrait presque se demander s'ils ne le font pas exprès. Si nous avions l'esprit mal tourné, on pourrait presque les soupçonner de se satisfaire d'une école qui ressemble à l'usine de la médiocrité.

    Il n'y a aucun salut à attendre de leur part ! Le salut, nous avons choisi de le prendre en main nous-même. Parce que nos enfants seront grands-parents avant que l'école opère sa salutaire et nécessaire mutation si l'on se contente d'attendre leur sursaut.

    Quand le bateau coule, il faut sauver les enfants d'abord ! Quant au capitaine et à l'équipage, ce ne sera pas notre faute s'ils sont entraînés par le fond avec l'épave qu'ils n'ont pas su piloter.

     

     

     

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  • "..., c'est même à ça qu'on les reconnaît" disait Michel Audiard à propos de... Cherchez-vous même ! Une fois n'est pas coutume, nous n'allons pas analyser les actes ou paroles des "grands décideurs" de l’Éducation Nationale mais de leurs petites mains. Et oui, si le navire file à toute allure contre tous les icebergs qui croisent son cap, ce n'est pas seulement à cause du capitaine mais aussi de tout son équipage, matelots compris.

    Voici donc le récit du contrôle de connaissances diligenté par l'Académie de par-chez-nous pour cette année.

    inspecteur academie controle

    Un Inspecteur et son Conseiller pédagogique pendant le contrôle d'un enfant non-scolarisé

    (Image extraite du film : Les sous-doués en folie de Buster Chaplin- 1882)

     

    Il faut noter que les contrôles des deux premières années se sont bien déroulés. Nous avons eu affaire à un Inspecteur un peu coincé mais pas désagréable et apparemment compréhensif, assisté d'un conseiller pédagogique aimable, souriant et à l'apparence douce et gentille. Rien de traumatisant, donc !

    Les rapports furent deux fois positifs, bourrés de références à un niveau scolaire, ce qui est illégal, mais nous avons préféré "glisser" sur ces petites incohérences puisque ce qui nous importe avant tout, c'est que le contrôle se passe, qu'il soit passé et qu'on n'en parle plus jusqu'à l'année prochaine.

    Cette année, après une première visite de leur part à notre domicile en 2013, puis une deuxième rencontre dans leurs locaux en 2014, nous sommes censés les recevoir de nouveau. Ce qui n'est pas un problème en soi: il ne faut pas compter sur moi pour entraver la bonne marche des processus complexes qui régissent le fonctionnement de l'usine à gaz, ma priorité étant, comme indiqué plus haut, qu'ils retournent au plus vite dans la chaleur douillette de leur bureau surdimensionné et qu'ils nous oublient pendant un an.

    Cette fois, tout a commencé par une lettre, véritable condensé d'incompétence et de foutage de gueule. Mais je vous laisse juger:

    controle de l'obligation scolaire

    Bon...

    Déjà, on peut remarquer que ceux qui sont chargés de procéder au contrôle des connaissances n'ont pas lu la circulaire depuis au moins quatre ans. Sinon, ils sauraient que ce n'est plus celle de 1999 qui est en vigueur mais celle de 2011, intitulée avec poésie: circulaire n°2011- 238.

    Mais vous êtes certainement au courant vous qui, comme moi, avez pris la peine de vous renseigner sur les lois, formalités et règlements qu'on pourra vous opposer. Tous les parents instructeurs ont pu le constater: quand il s'agit d'Instruction en Famille, nous savons précisément de quoi on parle. Eux, non !

    La lettre est datée du 27 janvier. Le délai d'un mois est donc largement respecté. Ah, mais ! C'est qu'on ne pourra pas les prendre en défaut, arrivent-ils à se persuader.

    On me demande (ils osent tout, vous dis-je) de confirmer que je serai disponible pendant une période de presque deux mois ! Du 9 mars  au 24 avril ! Ce qui correspond à l'exact intervalle entre deux périodes de vacances. A l’Éducation Nationale, on croit que toute la France vit au rythme scolaire. Pendant les vacances, il n'est bien sûr pas question de nous déranger mais en revanche, hors vacances, on n'a qu'à être à disposition, plantés à côté du téléphone pour qu'on nous annonce qu'on viendra demain.

    Enfin... C'est ce que je pensais ! Mais la réalité est encore bien plus cocasse. Car, on ne me demande pas d'être à disposition pour demain, ni même pour aujourd'hui mais pour là, tout de suite, immédiatement,... Ah, non, trop tard c'est déjà passé !

    Comment se retrouver dans la quatrième dimension ? Il suffit d'avoir un "non-rendez-vous" avec l’Éducation Nationale !

    Depuis quelques jours, la fin du délai approchant à grands pas, je me tâte entre me rappeler à leur bon souvenir et les laisser entrer en contact. Avec le secret espoir qu'ils nous oublieront peut-être cette fois-ci, je trouve finalement plus urgent... d'attendre !

    En réalité, je dois l'avouer, mon état d'esprit est au je-m'en-foutisme total. Partant du principe que le contrôle est une corvée annuelle obligatoire, partant du principe que je ne suis pas Don Quichotte et que les conflits inutiles me paraissent une fatigue nerveuse évitable, partant du principe qu'un combat frontal contre un mur de béton serait préjudiciable à l'équilibre familial et particulièrement à celui de C..., j'ai adopté une tactique très simple: je les laisse faire ce qu'ils ont à faire une heure par an (tant que ça reste dans des limites qui me sont acceptables, évidemment).

    C'est le gage de notre tranquillité et du bonheur que nous vivons au quotidien en toute liberté. Somme toute, un sacrifice admissible !

    Or, ce matin à 10 heures, la sonnette retentit (oui, oui, c'est tout frais ! Je suis au taquet sur l'actualité !). Avant même d'ouvrir, je jette un œil discret par la fenêtre. C'est que, incrédule, je me doute qu'ils ont osé. Mon esprit cartésien et organisé essaie bien de me dissuader: " Non ! Tout de même pas ! Ça ne peut pas être eux... Pas sans avoir appelé avant... Ils n'auraient pas osé..."

    Et bien, si, ils ont osé !

    De mon poste d'observation, je distingue parfaitement les deux belles têtes de vainqueurs que j'ai eu le bonheur de croiser par deux fois déjà. Immédiatement, avec un réflexe et une rapidité dignes des guerriers les mieux entraînés... je n'ouvre pas !

    C'est qu'on n'entre pas chez moi à l'improviste sans y avoir été invité. Sauf les amis, bien sûr, mais vous aurez compris que nos deux comiques ne font pas partie de cette catégorie.

    Non seulement je trouve ça  incorrect, irrespectueux, négligent et pétri d'incompétence mais en plus, C... n'est même pas là aujourd'hui ! C'est son jour de grand-mère, le jour sacré de la semaine pour nous deux. Pour lui parce que, pour rien au monde, il ne raterait cette journée chez Mamie en tête-à-tête. Et pour moi parce que, comme tous les parents aimants, j'ai un besoin absolu qu'il dégage de mes pattes pour souffler un peu.

    J'aurais donc pu ouvrir ! Pour leur demander de repasser ! Mais non ! J'ai choisi de leur donner une petite leçon plus parlante: ils auront traversé la ville pour rien, on n'aura pas été à leur disposition, leur planning s'en trouvera tout chamboulé,... Diantre, combien de remises en question de ce système qu'ils savent pourtant habituellement infaillible ! Gageons qu'ils mettront plusieurs jours, plusieurs semaines à se remettre du traumatisme.

    C'est dommage ! Dire que si ils avaient fait leur travail correctement, je les aurais accueilli avec le sourire, café et jus de fruits. Oui mais voilà, la seule chose en l'occurrence que j'aurais trouvé à leur dire, c'est: "Poussez-vous de mon soleil !". Ce qu'ils n'auraient évidemment pas compris, d'une part parce que la journée est plutôt grise, d'autre part parce qu'ils n'ont aucune culture. S'ils en avaient, ils ne seraient pas inspecteurs à l’Éducation Nationale. Ils auraient un vrai métier, utile et enrichissant pour la société.

    Un coup de sonnette... Deux coups de sonnette... Trois coups de sonnette...

    Voilà nos deux compères qui s'en retournent, penauds et bredouilles. Puis, il est 10h10 (vous allez voir comme cela à son importance), le téléphone sonne. Le numéro affiché m’apprenant qu'il s'agit du secrétariat de l'Académie, je reste fidèle à ma stratégie sus-mentionnée et je ne répond pas. Quelques minutes plus tard, j'écoute le message.

    Il s'agit effectivement de la secrétaire qui, le vendredi 17 avril à 10h10, me joint pour me prévenir que le contrôle s'effectuera le vendredi 17 avril à 10h00 !

    !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    Je me vois contraint de mettre plein de points d'exclamation parce que c'est le seul commentaire pertinent qui me vienne.

    Comme je suis taquin, j'attends une petite heure et je rappelle. Pour répondre à mon ton légèrement courroucé, la secrétaire argumente: "Ah, mais je vous ai appelé !" Moi: "Quand ?" Elle: "Je ne me rappelle pas !"

    Éclat de rire ! Forcément !

    Et pour lui expliquer comment on procède quand on n'a pas de mémoire, je lui cite les jours et heures où j'ai cherché à la joindre (que j'avais scrupuleusement notés). Plus de onze essais sans succès avant d'y parvenir le vendredi 13 mars à 11h00. Lors de cet entretien courtois, elle m'avait assuré qu'elle me rappellerait pour me tenir au courant de la date.

    On peut constater qu'elle n'avait pas menti ! Elle avait juste oublié de préciser qu'elle me préviendrait après.

    Je dois le reconnaître, je ne me montre pas très cordial et je manifeste ma mauvaise humeur devant une telle négligence. En bonne secrétaire, elle ne trouve pas mieux à ajouter que: "Ne quittez pas !" Hop, musique de Vivaldi, elle refile la patate chaude.

    Ce n'est pas l'Inspecteur que j'ai alors au bout du fil (il est sans doute trop occupé) mais le conseiller pédagogique. Rond, doux et sympathique, on sent bien au son de sa voix qu'il est plutôt convaincu d'être en tort. "Je ne sais pas ce qui s'est passé mais peu importe, dit-il. Je ne suis pas le supérieur hiérarchique de la secrétaire." Autrement dit, même lui, ça le gonfle de se déplacer pour rien à cause de son incurie à elle mais on est à l'EN donc, pas de vagues, rapports hiérarchiques et tout ça... Il subit mais n'en pense pas moins ! Sans le faire exprès, il avoue même la faute de sa complice. "J'attendais devant chez vous. Je me suis dit qu'il y avait peut-être quelque chose de grave." (Tu parles ! Comme si vraiment ça l'intéressait ce qui se passe dans notre famille. Je n'en crois pas un mot mais je reconnais qu'il est plutôt doué en diplomatie.) "J'ai donc appelé le secrétariat pour savoir si vous aviez été prévenu."

    Voilà, nous pouvons retracer toute la séquence du film, même sans l'avoir vue. Planté devant chez moi, il appelle le secrétariat. Là, la secrétaire a dû se dire: "Ah ben oui, tiens, c'est vrai, j'avais ça à faire l'autre jour pis j'ai oublié. Pas grave, je vais appeler maintenant. Ce sera fait et on ne pourra m'accuser de rien."

    Elle est maligne, non ? Personnellement, j'ai arrêté de croire que ce genre de manœuvre grossière fonctionnait depuis l'époque où j'imitais gauchement la signature de mes parents, persuadé que tout le monde n'y verrait que du feu. Mais à l’Éducation nationale, on est resté de grands enfants et on croit encore que les adultes sont assez naïfs pour se laisser berner.

    Conciliant, le conseiller pédagogique ajoute: "On s'est déjà vu plusieurs fois, c'est très agréable de travailler avec C... Je me faisais un plaisir de le revoir, blablabla blablabla,..." C'est gentil, peut-être même sincère (?), mais je m'en fous un peu. Sur ce, nous prenons rendez-vous pour la semaine prochaine mais l'Inspecteur ne sera pas là.  Trop occupé !

    Décidément, qu'est-ce qu'il est occupé cet Inspecteur ! Parce qu'il faut savoir que l'an dernier, dans leurs locaux, il avait déjà laissé son conseiller pédagogique pratiquer le contrôle seul. Nous avons été honorés de lui serrer la main au début de l'entretien avant qu'il nous explique qu'il devait y aller (où ? On sait pas!) mais que tout allait bien se passer.

    Voilà donc un Inspecteur qui a tellement de travail que ça l'empêche de faire son travail. Il est secondé par une secrétaire qui a tellement d'appels à passer que ça l'empêche de passer des appels. Si on poursuit la logique, on ne s'étonnera plus que les professeurs aient tellement de travail pour préparer leurs cours que ça les empêche d'enseigner aux enfants. Mais nous serions médisants, sans doute.

    La conclusion de cette histoire c'est que nous avons malgré tout de la chance. Dans notre Académie, ou en tout cas pour cet Inspecteur-là, le contrôle des connaissances des enfants instruits en famille est une formalité ennuyeuse. Un passage obligé qui l'encombre, le retarde, lui pèse. A tel point qu'il traite le sujet par-dessus la jambe, aussi pressé que nous finalement de s'en débarrasser.

    Même si on peut trouver à juste titre scandaleux ces manières et ce désintérêt, il faut bien avouer que ça nous arrange. Car notre Inspecteur n'a aucune intention de secouer le cocotier, aucune intention d'en arriver au conflit, aucune intention de voir dérangée sa petite organisation tranquille par des hurluberlus dans mon genre qu'il sait prompts à le traîner devant les tribunaux, ou même pire, à le dénoncer à sa hiérarchie !

    Je ne sais pas si notre Inspecteur se préoccupe des enfants scolarisés mais je peux affirmer que les enfants déscolarisés ne lui posent qu'un seul problème, qui choque son éthique et sa morale personnelle: ça lui ajoute un surcroît de travail !

    Le contrôle aura donc lieu la semaine prochaine. On peut s'en régaler d'avance, comme de lire le compte-rendu qu'ils en dresseront. Certes, on ne peut pas préjuger de la manière dont les choses se passeront ni en quels termes le rapport sera rédigé, mais on devine sans grand risque d'erreur que ça nous réserve de belles parties de rigolade.

    Pour une raison très simple et jusqu'ici jamais démentie, c'est qu'ils osent tout !

     

     

     

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  • Ce qui a titillé mon agacement ces derniers jours, ce n'est pas un fait divers mais la collision inopinée entre deux d'entre eux concernant l'école. Vous n'avez pas pu échapper au premier, qui fait la une de nombreux médias, mais le deuxième est passé un peu plus inaperçu. D'une part, les actes odieux et lubriques d'un directeur d'école totalement invisibles aux yeux de ses collègues et supérieurs; d'autre part, la sanction implacable contre un professeur de philosophie accusé d'avoir eu des paroles "inadaptées".

    Voyons comment l’Éducation Nationale a la sévérité sélective et une étrange manière de hiérarchiser ses priorités. Ou comment l’Éducation Nationale sait habilement accommoder ses indignations en restant tout à la fois aveugle à une condamnation en justice et sourde à un acquittement en justice.

    La hiérarchie des choses...

    En premier lieu, il y a donc cette affaire d'un directeur d'école primaire accusé de viols sur ses élèves, condamné en 2008 pour des faits de pédopornographie et toujours en place depuis.

    Je préfère ne pas revenir sur les actes sordides qui s'étalent dans tous les journaux depuis quelques jours. Ils me révulsent, m'indignent, m'attristent comme tout parent normalement constitué. Mais il est en revanche intéressant de se pencher sur les balbutiements embarrassés, sur les explications fumeuses que nous servent nos responsables politiques.

    Néanmoins, avant de lancer une charge sans concessions contre notre actuelle ministre, il convient de reconnaître que, même si elle a la tâche ingrate d'être le pompier qui va éteindre l'incendie, elle fut précédée de quelques autres pyromanes.

    J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans l'article qui lui est consacré, Madame Vallaud-Belkacem n'est pas une cible personnelle. Elle l'est simplement en tant que ministre de l’Éducation Nationale. Rappelons donc, pour être parfaitement honnête, qui et combien furent ses prédécesseurs depuis la condamnation du directeur. Pour ne pas faire endosser injustement à la seule actuelle porteuse du fardeau une responsabilité qu'elle partage avec:

    (dans l'ordre d'apparition en scène)

    • Xavier Darcos, ministre de l’Éducation Nationale ( mai 2007/juin 2009)
    • Luc Chatel, ministre de l’Éducation Nationale ( juin 2009/mai 2012)
    • Vincent Peillon, ministre de l’Éducation Nationale (mai 2012/avril 2014)
    • Benoît Hamon, ministre de l’Éducation Nationale (avril 2014/oct.  2014)

     

     La hiérarchie des choses...

    Oui, c'est bien madame Vallaud-Belkacem qui va subir la vindicte populaire mais n'oublions pas tous les éminents personnages nommés ci-dessus. Ils seront certainement bien heureux de ne pas être assis sur la chaise électrique en ce moment et pourtant ils sont tout aussi responsables. Il n'y a pas d'innocents à la tête de la république, il est bon de s'en souvenir.

    Plus qu'une personne particulière, c'est l'institution entière qui est coupable de négligence criminelle dans cette affaire. Mais si je ne m'abuse, ce sont bien les ministres qui sont comptables du fonctionnement de l'institution dont ils ont la charge.

    Ces cinq impliqués ne sont pas de la même obédience politique. Dans les médias, vous les verrez donc s'écharper, s'accuser mutuellement de ceci-cela,... C'est leur jeu habituel. Mais nous, citoyens éclairés, qui nous informons et ne sommes pas stupides, nous savons pertinemment qu’au-delà de leur masque de différence, ils ont tous, avec la même non-logique implacable, contribué à l'état actuel de l'école en France. Tout comme ceux qui les ont précédé (en tout quinze depuis trente ans: nous y reviendrons dans un prochain article).

    Mais observons comment la dernière de cette longue liste essaye difficilement de justifier des années d'impéritie.

    La hiérarchie des choses...

    Appuyons-nous d'abord sur ses propos retranscrits dans le journal Le Parisien :

    "Il y a eu dysfonctionnement. Il semblerait que l’Éducation nationale n’ait pas été informée de cette condamnation."

    Mince alors, on a oublié de les prévenir. Il s'agit d'un léger "dysfonctionnement"... Depuis 2008 ! En 7 ans, personne à l’Éducation Nationale n'a pu ou voulu s'apercevoir de quoi que ce soit.

    Pourtant, en 7 ans, les parents instructeurs ont déjà reçu au moins 7 fois une équipe de deux à trois personnes chargées de vérifier si leurs enfants mettaient bien un -s au pluriel des mots. Vérification primordiale qui conduirait, si les soupçons étaient fondés, à envisager des poursuites judiciaires fermes contre ces parents criminels qui auraient négligé d'apprendre la table de multiplication du neuf à leur progéniture.

    Parce que cela, voyez-vous, c'est très grave ! Au point de déplacer des équipes annuellement, en nombre disproportionné.

    Alors, montrez-vous un peu compréhensif et prenez conscience du problème: si les inspecteurs d'académie n'étaient pas débordés à surveiller des enfants libres, ils auraient bien sûr le temps de prendre un petit renseignement sur leurs directeurs d'école. Par exemple en consultant le fichier des délinquants sexuels qui leur est accessible. Mais comment voulez-vous puisque nous, parents instructeurs, vampirisons tout leur temps ?

    Nous sommes si chronophages pour les inspecteurs de toutes les académies de France qu'ils n'ont plus une place dans leur agenda pour y caser l'inspection de ceux qui sont réellement sous leur dépendance hiérarchique.

    Poursuivant le syllogisme, la ministre va sûrement pouvoir prétendre que c'est de notre faute et nous sortir de son chapeau une loi pour mieux surveiller les enfants instruits à domicile à cause de qui les pédophiles de l’Éducation Nationale sont nommés directeurs d'école primaire.

    Mais ne faisons pas de procès d'intention, ses vrais propos sont déjà assez édifiants en soi.

    Car si le planning des fonctionnaires des académies est si serré, c'est à cause de ces foutues vacances scolaires:

    "Il a été condamné en juin 2008, juste avant les vacances scolaires."

    N'y a-t-il pas là clairement un abus de la part des juges ? Ça ne se fait pas de condamner des directeurs d'école au mois de juin.

    D'abord, ça gâche leurs vacances !

    Et puis ensuite, comment voulez-vous que les milliers de fonctionnaires qui travaillent dans des bureaux de l’Éducation Nationale ait le temps d'agir puisque... ça va être les vacances ?

    Certes, on ne comprend pas très bien en quoi les dates de vacances scolaires concernent les milliers de personnels qui n'ont jamais aucun contact avec des élèves. Certes, on peut regretter que tout le ministère hiberne "éterne" dès le début des vacances. Mais il faut surtout admirer la belle qualité d'anticipation de tous ces excellents pédagogues et assimilés qui, pour ne pas se faire surprendre, décident préventivement de cesser toute action dès que leur instinct leur souffle que ça va être les vacances.

    La hiérarchie des choses...

    Dans ce même entretien, pour répondre à la légitime inquiétude des parents d'enfants scolarisés, Madame Vallaud-Belkacem va prendre ce petit air décidé que son conseiller en communication lui a si bien fait travaillé:

    «Désormais une révocation sera ordonnée à chaque fois qu'un enseignant ira a l'encontre de la probité et des mœurs, les enfants doivent être protégés des prédateurs sexuels».

    On croit rêver !!!! "Désormais" ! Figurez-vous qu'avant que ça ne fasse la une des journaux, on n'avait pas eu l'idée de révoquer des enseignants condamnés pour pédopornographie ?

    Mais la défense de la ministre ne s'arrête pas là. Elle a la chance que tous les micros se tendent vers elle, elle sait en profiter pour se montrer inflexible dans cet autre entretien au Parisien :

    "Vous pouvez compter sur moi pour qu’aucun dysfonctionnement ne reste sans suite. Les manquements éventuels seront sanctionnés."

    Dormons tranquilles, on peut compter sur elle. Des prédateurs couvés par leur hiérarchie, on appelle ça un "dysfonctionnement". Comme notre ministre est courageuse et volontaire, ces "dysfonctionnements" ne resteront pas sans suite. Le prochain je-sais-pas-quoi d'académie qui laissera agir en toute impunité pendant plusieurs années un directeur d'école pédophile sera "éventuellement" sanctionné.

    Après avoir justifié, après avoir promis que "plus jamais ça", il faut passer au troisième volet du triptyque bien connu: trouver le coupable. Madame Vallaud-Belkacem a sa petite idée là-dessus, comme elle le confie au Dauphiné:

    "Cette défaillance intolérable devra être précisément établie par l’enquête que nous lançons. Pour l’heure elle semble être celle du défaut de transmission en 2008 par la justice à l’Éducation nationale de la condamnation de ce directeur."

    Voilà ! L'enquête n'est même pas commencée mais on en sait déjà plus. Ce n'est pas la faute de l’Éducation Nationale mais celle de la justice.

    Ne soyons pas de mauvaise foi et reconnaissons que c'est quand même bien au ministère de la justice d'assurer la direction des ressources humaines de l’Éducation nationale. Parce que ce ministère a le temps, le budget et le personnel qui font cruellement défaut au ministère de l’Éducation Nationale. Et puis, les juges, eux, ne sont pas soumis à ce calendrier drastique qu'on impose à l’Éducation Nationale et qui fait que la plupart du temps, on ne peut rien faire puisque c'est les vacances !

    "Comme ministre de l’Éducation je prendrai, au terme de cette enquête, toutes les dispositions pour qu’on écarte définitivement des écoles tout individu condamné pour prédation sexuelle."

    En tant que ministre chargée de s'en occuper... Il était bon de le préciser, n'est-ce pas ? Ce n'est pas en tant que balayeuse ou médecin qu'elle prendra des dispositions mais bien en tant que ministre.

    "Au terme de cette enquête", on "écartera définitivement des écoles tout individu condamné pour prédation sexuelle". Ouf ! Comment vouliez-vous qu'elle y pense avant ? On pourrait les écarter d'ores et déjà... Mais non... On préfère quand même attendre la fin de l'enquête. N'agissons pas dans la précipitation !

    La précipitation, c'est bon pour traquer les parents instructeurs qui, eux, posent un réel problème de mise en danger des enfants. Mais pour ce qui concerne les notables qui nuisent à l'intégrité physique et psychologique de malheureux bambins, on ne va tout de même pas se précipiter. Soyons sérieux ! Attendons la fin de l'enquête !

    La hiérarchie des choses...

    Voilà donc comment l’Éducation Nationale traite cette première affaire que nous avons la naïveté de croire importante. Voyons maintenant comment elle traite la seconde affaire qui a attiré mon attention et qui, visiblement, est considérablement plus urgente et primordiale aux yeux des élites du ministère.

    Dans l'académie de Poitiers, un professeur de philosophie est sanctionné pour n'avoir pas dit, mais peut-être que si quand même, on ne sait pas trop quoi mais en tout cas, c'est très grave.

    Les faits sont relatés dans la Nouvelle République.

    "(...) Le recteur d'académie de Poitiers a pris sa décision vendredi en suivant la commission administrative paritaire académique réunie en conseil de discipline le 13 mars qui " s’est prononcée majoritairement pour le vote de la sanction du déplacement d’office. "

    Nous avons tous en tête le film Le Cercle des Poètes Disparus, qui fait l'apologie d'un professeur aux méthodes très personnelles. Et nous avons tous admis que l'école fonctionnerait certainement mieux si un maximum de professeurs appliquaient ce genre de méthodes aussi originales que décriées. Mais pour l’Éducation Nationale, il semble que ce ne soit pas si évident.

    le cercle des poetes disparus

    Il semblerait que ce professeur aurait dit quelque chose dont personne ne sait vraiment de quoi il s'agit puisqu'il a été dénoncé par une seule élève et par une lettre de ses parents au rectorat... Voilà une transgression qui, à n'en pas douter, nécessitait une intervention ferme et sans délai !

    "La sanction qui le touche est de niveau 2, le plus élevé dans le panel à disposition du recteur."

    Pourquoi tenir compte que la justice ait classé l'affaire sans suite ? De toute façon, nous l'avons vu plus haut, la justice ne fait pas son travail. Si on ne peut rien reprocher à l’Éducation Nationale, on a bien vu que la plupart des problèmes qu'elle connaît vient de ce que la justice ne fait pas son travail. Donc, peu importe le non-lieu, peu importe que le professeur soit blanchi, il faut sanctionner. Envoyons-le à l'autre bout du département, ça lui fera les pieds.

    C'est ce que nous raconte Libération.

    Le recteur se doit d'être ferme, de ne laisser passer aucun comportement déviant. Les paroles sont une arme terrifiante qui peut mettre en danger les enfants. Il n'est donc pas permis de délivrer une autre parole que celle entérinée par l'administration.

    C'est qu'on ne va pas commencer à faire de la philosophie en essayant d'aiguiser le sens critique des élèves. Ce n'est tout de même pas le rôle d'un professeur de philosophie que d'essayer d'ouvrir l'esprit de ces jeunes gens à d'autres façons de voir les choses, de leur faire comprendre qu'un raisonnement solide ne tient que si l'on a exploré toutes les pistes, même les plus contradictoires, qui découlent d'un événement ou d'une pensée.

    Non, le rôle du professeur de philosophie, c'est d'asséner les vérités établies dans le socle commun, validées par un comité de sages, tamponnées par les services du ministre. Et pas au-delà ! Sinon, on court le risque que les élèves se mettent à réfléchir par eux-même et c'est intolérable.

    le cercle des poetes disparus

    Vous savez désormais comment l’Éducation Nationale organise sa hiérarchie des choses. Pour cette glorieuse institution que nous avons soumise à notre analyse, on peut à la rigueur admettre que des écoliers de primaire servent de loisir sexuels à des pervers si, par ailleurs, ils sont bien notés par la direction académique. Mais accepter qu'un professeur, déjà remarqué pour son indépendance d'esprit, propage les idées nauséabondes de la liberté de penser... Ah, ça non ! Hop, ni une ni deux, sanctionnons !

    Et c'est bien cela qui me fait réagir. Certes, l'horreur des faits du premier fait divers nous glace tous d'effroi. Mais ce qui est le plus choquant dans cette histoire, ce sont les atermoiements, les justifications insensées d'un ministère aux abois, l'urgence qu'il a montré à ne pas agir trop vite dans une affaire qui n’appelait aucune hésitation, quand, hasard du calendrier, il sait se montrer inflexible et réagir avec une rapidité qui ne lui est pas coutumière dans une affaire qui, somme toute, ne consiste qu'en un malentendu entre un professeur et une élève de sa classe.

    Admirez comme ce beau ministère est géré ! Violer des enfants, ce n'est qu'un "dysfonctionnement", prononcer en tant que professeur des paroles qui déplaisent aux élèves et à leurs parents, cela mérite une sanction votée majoritairement par une commission d'incompétents académiques.

    Si, après cela, vous avez toujours envie de déposer vos chers enfants dans un établissement scolaire, tous les matins, le sourire aux lèvres et la fleur au fusil, persuadé qu'avec un service public aussi rigoureux, bienveillant et juste ils sont entre de bonnes mains, je ne peux plus rien faire pour vous convaincre.

     

     
     
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  • Encore un petit coup d’œil dans le rétroviseur. Dans l'Hystérie républicaine, nous avons vu comment en 1998, la république dans son entier avait mis au pas les vilains réfractaires qui permettaient à leur progéniture "d'échapper à l'école de la république".

    Pensez-vous que leur juste combat allait s'arrêter là ? Que nenni ! Après ce magistral coup de torchon, il devait bien rester quelques miettes de sectarisme dans le fond des poches des parents instructeurs.

    big fenech

    C'est pourquoi en novembre 2002, on a créé la MIVILUDES. Mais qu'est-ce donc que la Miviludes ? C'est la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires.

    Bref, on ne sait pas ce que c'est ! Un aréopage de personnes autorisées (on ne sait pas par qui) qui écrivent des rapports (on ne sait pas pourquoi). A ce jour, aucun de ces rapports annuels n'a mis en évidence la moindre relation entre l'instruction en famille et une quelconque dérive sectaire.

    Et pourtant, c'est le cheval de bataille d'un député, ancien magistrat, du nom de Georges Fenech. Qui du reste présidera la Miviludes de 2008 à 2012, en récompense sans doute du brillant affrontement qu'il mena auparavant contre les insoumis scolaires.

    Quand vous pensez au fennec, vous pensez immédiatement à ce mignon petit animal du désert avec ses grandes oreilles :

    fennec

    Mais c'est aussi une autre espèce d'animal. A l'orthographe un peu différente: le Fenech. Attention, pour les différencier, il faut bien observer les oreilles :

    georges fenechGeorges Fenech

    UMP - Député du Rhône

    (sa fiche)

    Ce député présida de juin 2006 à juin 2007 une commission d'enquête parlementaire dénommée (installez-vous confortablement, ça va être long) : Commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.

    Au début de l'année 2007, dans sa croisade épurative contre les comportements déviants, le député (et pas encore le président de la Miviludes, ça n'a rien à voir, suivez un peu !) a eu l'honneur de déposer des amendements pour contribuer à l'amélioration d'une loi qui n'avait aucun rapport mais bon, il fallait bien écrire ça quelque part.

    Du reste, pas gêné, il le dit lui-même en introduction de son intervention :

    "Je sais parfaitement, monsieur le ministre, que votre texte ne concerne pas le phénomène sectaire, mais les enfants victimes des mouvements à caractère sectaire constituent aussi une réalité, dont il faut tenir compte."

    Voilà ! Une fois que le postulat est posé et qu'on a bien précisé qu'on ne parlait pas du tout de la même chose, on va pouvoir débattre sereinement.

    Replongeons-nous en cette séance à l'Assemblée Nationale du 9 janvier 2007. C'était un mardi... Ce qui n'a aucune espèce d'importance.

    Le document est extrêmement long. Aussi, extirpons-en seulement le verbatim qui nous intéresse.

    Après le propos liminaire sus-cité, monsieur Fenech poursuit son intervention:

    "Les amendements que j’ai déposés s’inscrivent dans cette logique (...). Oui, monsieur le ministre, je proposerai à l’Assemblée nationale (...) vingt et un amendements à votre projet de loi. (...)

    Force est de constater que les enfants instruits dans les familles ou dans un établissement privé hors contrat ne bénéficient pas de la même protection médicale et des mêmes contrôles médicaux obligatoires dès l’âge de six ans comme les autres enfants scolarisés. Je proposerai donc de les inclure dans le code de la santé publique comme bénéficiaires de ce contrôle médical obligatoire au même titre que les autres enfants de la République."

    Comme nous sommes honnêtes, nous reconnaîtrons volontiers qu'en effet, nous ne sommes pas soumis aux mêmes contrôles médicaux obligatoires. Y-a-t-il vraiment urgence à les imposer ? A-t-on connaissance de cas où des enfants instruits en famille seraient victimes d'abandon de soins ? Peu importe, finalement. Au nom de l'égalité républicaine, pourquoi ne pas le proposer. Concédons ce point, ce n'est pas le plus choquant.

    "Ensuite, sans remettre en cause la liberté d’enseignement dans les familles, notre commission a considéré qu’il fallait justifier d’une cause légitime pour priver l’enfant des avantages d’une scolarisation dans un établissement public ou privé. Nous avons proposé des critères objectifs comme l’état de santé, le handicap, le déplacement de la famille ou toute autre raison réelle ou sérieuse."

    Qu'on se le dise ! Avoir pour conviction que l'instruction en famille est plus épanouissante et plus riche, avoir pour ambition le bien-être et le développement harmonieux de ses enfants, ce ne sont pas des raisons "réelles ou sérieuses".

    Il n'empêche... En tant que chargé de famille et après la lecture soigneuse des classements internationaux et des études sur l'état de l'école française, je me suis réuni en commission et "sans remettre en cause la liberté des familles à inscrire leurs enfants à l'école, j'ai considéré qu’il fallait justifier d’une cause légitime pour priver mon enfant des avantages d’une déscolarisation."

    "Je sais que cette proposition soulève des difficultés et inquiète certaines familles."

    Pensez-vous ! Il n'y a aucune raison de s'inquiéter quand on nous dit qu'on voudrait nous empêcher de retirer nos héritiers chéris d'un système scolaire parmi les plus déclinants du monde.

    Mais Monsieur Fenech va se montrer rassurant:

    "Je rappelle que d’autres pays européens, à l’instar de l’Allemagne, rendent obligatoire la scolarisation des enfants."

    Vous voyez, vous êtes rassurés. Comment oserez-vous encore parler d'atteinte à la liberté puisque nous pouvons copier une loi allemande qui date de... (suspense !) de... ?

    Voyez-vous même :

    Loi du 6 juin 1938 relative à la scolarité obligatoire en Allemagne

    N'est-ce pas que c'est parfaitement rassurant ? Nos libertés n'ont décidément rien à craindre.

    Bien sûr, cette loi n'est plus tout-à-fait celle en vigueur en Allemagne. Fort heureusement, elle a été transformée et aménagée et connaît quelques déclinaisons selon les länder. Mais avouons cependant qu'en connaissant le nom du signataire originel, il est difficile d'avaler la pilule qu'on nous prescrit ensuite:

    "C’est le gage, pensons-nous, d’une éducation de qualité, d’une ouverture d’esprit de l’enfant pour lui permettre de devenir, au contact des autres, un citoyen libre et éclairé au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant. (...)"

    Il me semble avoir sauté la page de mon livre d'histoire où il est dit qu'Adolf Hitler était sensible aux arguments de la convention internationale des droits de l'enfant.

    Certes, j'ironise mais il me reste en travers de la gorge qu'on puisse affirmer qu'une loi à l'origine nazie est "le gage" de quoi que ce soit dans une démocratie.

    Monsieur Fenech nous cite ensuite, à l'appui de ses convictions, le cas d'une communauté du sud de la France. N'ayant pas eu l'heur de me renseigner plus avant sur cette affaire, je ne la jugerai pas sur le fond. Néanmoins, même si les faits sont avérés, cela ne rend pas pour autant les autres parents instructeurs complices ou suspects par présomption.

    "(...) Je vous pose la question, monsieur le ministre : est-il normal, au nom de la liberté d’enseignement dans les familles, de priver un enfant de toutes les autres libertés fondamentales, reconnues par la Convention internationale des droits de l’enfant ?"

    Réponse courageuse du ministre:

    "Évidemment non !"

    philippe bas

     

    Philippe Bas,

     Ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille (2005-2007).

    UMP - Actuellement sénateur

    (sa fiche)

     

     

     

    Fort de ce soutien laconique mais sincère, Monsieur Fenech continue sa plaidoirie:

    " La représentation nationale ne peut pas évacuer cette question sous prétexte de respect d’une liberté inscrite dans la Constitution et non précisée par nos textes. (...)"

    Il a raison, Monsieur Fenech ! On s'en fout de la constitution si c'est pas précisé par nos textes. Vous voyez bien qu'il y a moyen messieurs-dames les députés, sautons sur l'occasion.

    Mais admirons la belle conclusion de ce joli discours:

    "Je ne doute pas, monsieur le ministre, mers chers collègues, que vous serez sensibles à la situation dramatique que vivent environ 60 000 à 80 000 enfants dans notre pays, en accueillant favorablement mes amendements. (Applaudissements sur tous les bancs.)"

    Et oui ! Encore une fois l'unanimité dans la salle. Décidément, cet épineux problème de l'instruction en famille est la seule cause en France qui permette l'union nationale. Ça se vérifie à toutes les époques. Il n'y a véritablement pas d'autres problèmes urgents qui soit capable de fédérer à ce point toutes les énergies de la république.

    Il faut dire que le danger est patent ! Imaginez : 60 000 à 80 000 enfants !

    Ce chiffre étant à peu près le double de celui des enfants instruits à domicile, on peut en conclure que TOUS les enfants instruits en famille sont sous emprise sectaire. Ce n'est pas monsieur Fenech qui le dit, ce sont les mathématiques.

    Mais comme Monsieur Fenech est magistrat et pas mathématicien, il ne s'est peut-être pas rendu compte qu'on peut aussi en conclure qu'il reste 30 à 40 000 enfants dans sa liste qui sont bel et bien instruits à l'école.

    Si j'étais au gouvernement, je créerais une Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Scolaires . Mais je ne suis pas au gouvernement, je ne suis pas assez intelligent pour ça.

    On pourrait légitimement se demander s'il est utile de revenir sur des faits vieux de bientôt 10 ans ? Il se trouve que ce ne sont pas tant les faits qui m'intéressent, même si le passé est toujours éclairant pour le présent, mais plutôt la personne concernée.

    Car la lutte contre les sectes est une des marottes de Monsieur Fenech. Et son obsession à lier les sectes à l'instruction en famille ne l'a jamais lâché. Or, à ce jour, il est encore député. Et vous savez quoi ?

    Il est président d'un groupe d'études sur... les sectes !

    L'Histoire, dit-on, est un éternel recommencement. Alors, qu'on me permette de garder ce personnage sur la liste de ceux qui requièrent toute notre vigilance.

     
     
     
     
     
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  • "Il faut bouter les terroristes hors de France !"

    Voilà quelle pourrait être la devise de notre nouvelle héroïne nationale, animée d'une mission non pas divine mais républicaine — c'est mieux, parait-il.

    Najat d'Arc décoche ses flèches

    Najat d'Arc donne l'assaut contre une demeure d'enfants non-scolarisés

    (Toile de C. Méptidoix, gouache sur papier à petits carreaux, Musée de Monburo)

     

    Pourquoi ce parallèle ? Parce que Najat Vallaud-Belkacem, notre actuelle ministre de l’Éducation Nationale, semble entendre des voix.

    Ministre, elle l'est depuis peu, et pour combien de temps encore ? Fera-t-elle mieux que son prédécesseur qui occupa la fonction au moins... 6 mois ? Peu importe finalement puisqu'elle sera remplacée immédiatement par un(e) autre incapable à ce poste qui, pourtant, demanderait l'expertise d'une haute compétence pour être à même de réparer des dégâts incommensurables.

    Du reste, est-il encore possible de réparer l'école française ? Comme un certain nombre d'autres citoyens, j'ai choisi de ne plus me poser cette question. Réparable ou non, cela m'est devenu égal puisque, devant l'incapacité chronique de nos dirigeants à agir efficacement et intelligemment, j'ai choisi d'agir tout seul dans mon coin pour préserver ma descendance du rouleau compresseur de la médiocrité obligatoire.

    Najat d'Arc, disions-nous, entend des voix... Saint Jules Ferry lui murmure à l'oreille. Ironie, mauvaise foi, me direz-vous. En êtes-vous bien certain ?

    Car, enfin, attendu qu'elle est la seule en France à être persuadée que l'Instruction En Famille est le couvoir du terrorisme — comme Jeanne à l'époque était la seule en France à être persuadée qu'on pouvait chasser les anglais —, il faut bien qu'elle fût touchée par la grâce, par l'inspiration céleste... Je ne vois pas d'autre explication possible.

    Mais revenons sur les faits.

    Inutile de rappeler les attentats de Charlie-Hebdo et des jours suivants, nous en avons tous le sinistre déroulement en mémoire.

    Restons sur ce qui nous préoccupe et voyons comment cette tragédie va pouvoir être habilement exploitée pour régler un problème qui n'existe pas et pour mettre au pas des familles pacifiques qui, en tout état de cause, n'ont strictement rien à voir avec les assassinats.

    En 1998, on avait brandi le spectre de l'embrigadement sectaire, comme expliqué dans cet article. L'IEF, c'était des sectes et pis c'est tout ! Devant d'aussi pauvres arguments et surtout devant l'évidence de l'absence de preuves, devant l'évidence des multiples rapports qui n'ont jamais pu mettre en relation sectes et Instruction En Famille, on avait dû se résoudre à reculer pour mieux sauter.

    Ouf ! L'occasion est là, qui nous tend les bras, ne la laissons pas passer.

    Soyez rassurés, parents instructeurs, vous ne serez plus accusés d'embrigader vos enfants. Vous n'êtes plus de vilains suppôts des sectes malveillantes. Non, désormais, nous sommes au XXIème siècle et nous avons compris le vrai danger.

    Désormais, parents instructeurs, vous nourrissez à votre sein, vous couvez dans le nid douillet de vos valeurs nauséabondes les terroristes de demain.

    Si, si ! Tous les derniers terroristes qui ont sévi sur le territoire national sortaient de l'école de la république, avaient été suivis par les services sociaux de la république, étaient surveillés par les institutions de sécurité de la république. C'est donc bien la preuve que les enfants instruits en famille...

    Comment ça, vous ne voyez pas le rapport ? Puisqu'on vous dit que si !

    Madame Vallaud-Belkacem apparaît donc comme le dernier recours, elle surgit, miraculeuse, comme la Providence incarnée. Elle est LA personne qualifiée pour extirper le radicalisme meurtrier du cœur et des cerveaux de notre jeunesse française. Et elle est LA plus qualifiée parce qu'elle dispose d'une honnêteté et d'une ouverture d'esprit à nulle autre pareilles.

    Petit rappel : nous l'avons vu dans cet autre article, Madame Vallaud-Belkacem est celle qui, sans rougir, a osé dire cela :

    "L’école, française, gratuite, obligatoire, laïque et républicaine, c’est notre bien le plus précieux."

    C'est celle qui, sans honte, a osé dire ceci :

    "L’école n’est pas une option, elle est obligatoire et quand on se met en infraction à la loi, il y a des sanctions qui tombent."

    Nous le voyons, nous tenons quelqu'un qui connaît bien son sujet, qui connaît bien les lois qui régissent son domaine de... hem, hem... compétences, quelqu'un qui sait faire preuve d'ouverture à d'autres façons de penser et à d'autres façons de pratiquer. Une personne de confiance, donc.

    [ Une précision s'impose : je n'ai aucune animosité personnelle envers cette dame. Ne comptez pas sur moi pour sombrer dans l'invective ou l'incorrection.  Il se trouve simplement que je n'ai pas plus de respect pour elle que pour celui d'avant ou celle d'après, et ceci parce que ni leurs actes, ni leurs paroles ne sont respectables. Ce n'est pas ma faute si c'est elle qui a été choisie pour dire et faire n'importe quoi sur un sujet qu'elle ne connaît pas. C'eût été un(e) autre que j'en aurais écrit tout autant. ]

    Mais voilà, c'est ainsi, c'est elle qui a été désignée (provisoirement) pour avoir la faveur d'être l'objet de mon ressentiment.

    Voici donc le beau discours qu'elle prononça devant la crème de l'école française quelques semaines après le choc :

    Mobilisons l'école pour les valeurs de la république

    Najat d'Arc, étendard brandi et le verbe haut, galvanisait ses troupes avant la bataille.

    Il serait long et fastidieux d'étudier tout le document et à dire vrai, il ne nous concerne pas dans l'essentiel de son propos puisqu'il est destiné à mettre au pas les élèves dans les établissements scolaires.

    Mais malgré tout, avant d'en venir à ce qui nous touche directement, voyons tout de même quelques extraits qui, à n'en pas douter, nous rassurerons et nous conforterons dans le bon choix que nous avons fait de sortir nos enfants de ce bourbier.

    "(...) Ces événements tragiques confirment, s’il en était nécessaire, la justesse des ambitions portées par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’École de la République. La première de ces ambitions, c’est l’élévation du niveau de connaissances, de compétences et de culture. (...)"

    C'est rassurant de savoir qu'il fallait en arriver là pour qu'enfin se dessine cette ambition pour l'école, non ? On pourra noter au passage que cette petite phrase apparemment anodine sonne comme un terrible aveu. Si c'est devenu la première ambition, c'est bien que "l'élévation du niveau de connaissances, de compétences et de culture" n'était pas une priorité jusque là. Il me semblait bien...

    " (...) Beaucoup a déjà été fait. (...)"

    Je n'en dirai pas plus, la sentence se suffit à elle-même. D'ailleurs, elle est en gras dans le discours, c'est dire son importance.

    J'en vois un qui sourit là-bas au fond ! Attention, je ne le répéterai pas : on ne rit pas quand une ministre s'exprime. On se prosterne ! Sinon, vous mettez en danger les valeurs de la république. Terroriste, va !

    Je vous fais grâce du reste de ce magma inconsistant, vide de sens mais qui utilise plein de mots compliqués pour avoir l'air d'un discours intelligent. On nous y explique que jusque là, ça n'allait pas mais que demain, tout ira mieux, grâce à une mobilisation sans précédent de plein de gens avec des titres ronflants qu'on ne comprend pas mais qui signifient qu'ils ne sont pas n'importe qui dans le monde de l'éducation. On nous y explique que les "personnels éducatifs" vont recevoir des livrets et regarder des vidéos pour se former et qu'ils vont faire plein de réunions pour arranger tout ça.

    On le voit, l'action est lancée !

    Mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager la belle conclusion de ce discours :

    " (... ) Car j'en suis persuadée, s'il y a comme disait Jean-Jacques Rousseau "mille manières de rassembler les hommes, mais seulement une de les unir", l’école peut et doit être cette manière-là. "

    Personnellement, ça me réchauffe le cœur de savoir que la personne chargée d'écrire les discours de Madame Vallaud-Belkacem a lu Jean-Jacques Rousseau. Ou au moins ouvert un dictionnaire de citations (hypothèse plus probable !). Espérons qu'elle ait eu le bon sens de livrer une fiche de lecture à la ministre.

    Mais, trêve de moqueries, qu'est-ce qui nous intéresse au juste dans ce discours, nous, parents instructeurs ?

    Et bien, une phrase ! Oui, une seule petite phrase, glissée là au milieu de ce vomi technocratique. C'est peu me direz-vous ! Hélas, c'est déjà énorme.

    Car on comprend qu'il était bien difficile d'en ajouter davantage, vu que cette phrase n'a strictement aucun rapport ni avec les événements, ni avec le reste du propos qui s'adresse aux représentants de l'école. Avec habileté, on a tout de même réussi à insérer subrepticement ce qui paraît comme un combat primordial : l'honneur est sauf !

    " (...) Notre rôle est de maintenir ces élèves, au même titre que tous les autres, dans le système éducatif. Je souhaite d’ailleurs que nous ayons une vigilance renforcée à l’égard des élèves instruits à domicile. (...) "

    Hop la ! Pas plus difficile que ça ! Pourquoi faire compliqué ? Il suffisait de le dire. Ça n'a rien à voir avec rien mais le missile est lancé. Tant qu'à s'être tous réunis aujourd'hui, tant qu'à avoir mobilisé l'ensemble du ministère, autant en profiter pour régler LE problème majeur de l’Éducation Nationale !

    Une "vigilance renforcée" ! On ne sait pas trop ce que ça veut dire mais, en gros, on va renforcer le renforcement de Madame Royal.

    Soyez patients, nous allons bientôt en savoir un peu plus.

    Ainsi, le 22 janvier 2015, après avoir bien travaillé, la ministre est en mesure de nous présenter ses :

    Onze mesures pour une grande mobilisation de l'École pour les valeurs de la République

    Reconnaissons-le, rien que le titre fait rêver. Avec ça, si tout va bien et si le temps ne tourne pas à l'orage, tout devrait être réglé rapidement. Najat d'Arc est bien la femme providentielle que toute la France attendait.

    Une fois encore, je vous laisse profiter de cette prose exubérante et indigeste si vous en avez l'envie mais je me contenterai ici de relever la mesure qui nous préoccupe.

    Il s'agit de la mesure n°9, délicieusement intitulée : " Une action en faveur des publics les plus fragiles ".

    Ainsi donc, nous l'apprenons à cette occasion, nous constituons un "public fragile". Vous qui vous sentiez si bien dans vos chaussons quand vous viviez le bonheur de voir grandir vos enfants, de planter en eux la graine de la connaissance et de voir pousser le germe de la curiosité; vous qui, bon citoyen, n'avez jamais enfreint la loi et avez essayé de transmettre à votre progéniture des valeurs de respect, voire de liberté, d'égalité et de fraternité... Et bien vous voilà, d'un seul coup et sans même que vous le sachiez, catégorisé comme un "public fragile". Cette force que vous aviez trouvé dans vos convictions cachait en réalité un mal profond. Vous êtes "fragile" !

    Scrutons le deuxième petit carré violet qui orne le texte de cette mesure. Que dit-il ?

    " Les risques de repli chez les jeunes, pouvant représenter un danger pour eux-mêmes et pour la vie collective, seront mieux repérés.
    Les chefs d’établissement recevront une formation renforcée à la détection des signes précurseurs des pratiques de repli et de radicalisation.
    L’instruction à domicile fera l’objet d’un contrôle renforcé, impliquant des équipes pédagogiques en appui aux corps d’inspection effectuant actuellement les contrôles. À cette fin, des professeurs seront missionnés pour venir en appui aux corps d’inspection effectuant actuellement ces contrôles. Des repères seront donnés afin de mieux évaluer la progressivité des apprentissages."

    L'association est faite, l'accusation est lancée : les enfants instruits à domicile sont les victimes d'un "risque de repli", ils représentent "un danger pour eux-même et pour la collectivité".

    L'amalgame est désormais officiel, inscrit dans le marbre républicain. Grâce à ce simple petit paragraphe, on va pouvoir terroriser la population, alerter l'opinion sur le réel danger qui la guette. Monsieur, madame, vous avez peut-être, vous avez sans doute, juste à côté de chez vous, de dangereux activistes qui ne mettent pas leur enfant à l'école. Soyez-en conscient, ils vous mettent en danger, ils constituent le terreau fertile sur lequel pousse le fanatisme le plus criminel.

    Effectivement, avouons-le à nos voisins : notre instruction est bien souvent synonyme d'entraînement para-militaire. Ce que nous apprenons en priorité à nos enfants, c'est de savoir démonter et remonter une Kalachnikov en moins de deux minutes. Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais chez moi, c'est tous les matins la même rengaine : "Habille-toi ! Mets ta ceinture d'explosifs, tu vas être en retard à l'éc..." Ah, ben non, c'est vrai ! "Tu vas être en retard à la maison !"

    Comment Najat d'Arc compte-t-elle lutter et libérer la France de son ennemi séculaire ? Avec "des équipes pédagogiques..." "En appui..." "Des professeurs missionnés..." "Des repères donnés..." Que voilà un charabia incompréhensible ! Comme toujours, on a à faire à une belle déclaration d'intention qui brasse de l'air sans préciser ni les moyens, ni les méthodes, ni quoi que ce soit.

    Que faut-il alors comprendre ? Qu'en plus d'un Inspecteur, un conseiller pédagogique et, parfois, un psychologue scolaire, il faudra recevoir chez soi une fois par an une équipe de cinq ou six personnes chargées spécialement de surveiller repérer, détecter de paisibles enfants instruits à domicile. Et si toute cette bande vient en appui, c'est bien qu'il y a danger. Seront-ils armés ? On ne sait jamais, après tout, chez les terroristes, on trouve des mitraillettes.

    C'est tout de même curieux qu'une institution qui se plaint continuellement de son manque de moyens, de son manque de personnel trouve subitement tous les moyens et tous les personnels pour aller cueillir chez eux des enfants qui ne sont même pas soumis à son autorité.

    Permettez-moi, madame la ministre de vous poser une question : sous quelle forme allez-vous mettre en application ces belles intentions ?

    Par une loi ? Il y a peu de chances que vous puissiez la faire naître et voter avant que quelqu'un ne tire sur la manette de votre siège éjectable.

    Par une circulaire ? Je me verrai alors contraint de renvoyer tout votre régiment pédagogique aux bases essentielles du droit en leur expliquant que, en tant que citoyen, je ne suis en aucun cas soumis à une circulaire, qui n'est qu'une note interne des services administratifs.

    Pour l'heure, la vigilance est de mise. Et je parle de notre vigilance à leur égard et pas de leur "vigilance renforcée" qu'ils essayent de faire passer pour un juste engagement.

    Pourtant, même s'il nous faut rester attentifs et aux aguets, il n'y a pas encore lieu de paniquer. Ce genre de récupération politicienne, ces manœuvres grossières destinées à réduire le champ des libertés sont habituelles et régulières. Elles reviennent à intervalles périodiques mais fort heureusement, la fameuse alternance démocratique permet généralement de chasser les lubies en place pour les remplacer par les prochaines.

    Sachez-le, madame la ministre, nous ne vous craignons pas ! Mais soyez sûre que nous vous avons à l’œil !

    Avant même de connaître votre existence, nous avions pris en charge l'instruction de nos enfants. Tôt ou tard, vous retournerez à l'anonymat profond d'un siège moelleusement rembourré à l'Assemblée Nationale. De notre côté, nous continuerons de prendre en charge l'instruction de nos enfants.

    Car nous, parents, nous ne sommes pas nommés à titre éphémère, nous ne désertons pas en pleine bataille, nous ne rebroussons pas chemin au milieu du gué. Nous, parents, contrairement à vous, nous sommes nommés à vie et nous n'avons pas le loisir de laisser un travail inachevé pour aller, comme vous et vos pairs, nous occuper d'un autre dossier pour lequel nous n'avons pas plus de compétence que pour le précédent. Nous, parents, nous peaufinons l'enrichissement de nos adorables "dossiers" jusqu'à plus soif ! Et c'est peut-être pour cela que nous avons l'outrecuidance de vous affirmer que nous savons mieux que vous ce qui est bon pour nos enfants.

    Peut-être que vous vous sentez poussée par une exaltation surnaturelle mais prenez bien garde à ne pas partager le destin de votre illustre modèle, qui fut abandonnée par le Roi lui-même... Quand on est trop illuminée par les voix célestes, le bûcher n'est jamais très loin.

     
     
     
     
     
     
     
     
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  • Regardons un peu en arrière et penchons-nous sur des événements déjà anciens mais extrêmement enrichissants pour juger du regard de nos élites sur l'Instruction En Famille.

    Les faits eurent lieu en 1998. Jacques Chirac était alors Président de la République, Lionel Jospin Premier Ministre.

    La crise d'hystérie collective était animée par Madame Ségolène Royal. Mais si elle avait allumé la flamme et soufflé sur les braises, l'incendie s'était propagé de lui-même, se nourrissant de son propre feu.

    L'Hystérie républicaine

    Pour une des rares fois de son existence, la république était unanime dans son combat glorieux. Majorité et opposition parlaient exceptionnellement d'une seule voix. L'Union nationale ? Ce ne pouvait être que pour une cause primordiale, essentielle et qui menaçait le pays tout entier, penserez-vous.

    Et bien... Pas tout à fait ! Simplement parce qu'un fait divers avait révélé un cas d'embrigadement sectaire dans une famille dont l'enfant était non-scolarisé.

    Ni une, ni deux, il n'en fallait pas plus pour que tous les moyens de la république, pour que tous les élus de tous bords se lancent, vent debout, dans une croisade épurative destinée à extirper le mal qu'on instillait sournoisement dans l'esprit malléable de pauvres enfants, innocentes victimes de parents cruels, tellement méchants qu'ils auraient fait passer les Thénardier pour les lutins du Père Noël.

    A son point culminant, la névrose a donné lieu à des débats on ne peut plus officiels à l'Assemblée Nationale puis à une circulaire proprement hallucinante, heureusement abrogée depuis.

    Pourquoi exhumer une affaire si ancienne ? A cela trois raisons:

    - D'abord pour illustrer par l'exemple que l'Instruction En Famille est une cible privilégiée de nos gouvernants depuis quelques décennies.

    - Mais aussi pour garder les yeux ouverts et conserver à l'esprit que de telles suspicions et tentatives de brider l'IEF peuvent renaître du jour au lendemain. N'importe quel prétexte leur sera bon. Nous allons le voir ici, avant de parler dans un prochain article d'un amalgame un peu comparable, qui est celui-là pleinement d'actualité.

    - Enfin, la troisième raison, est que ce grand emballement de l'époque a donné naissance à la loi n°98-1165 du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Même si cette loi a été en partie abrogée et grandement modifiée, elle constitue la base de celle qui régit aujourd'hui l’obligation de déclarations et de contrôles. Ce "renforcement" nous a donc été offert par Madame Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire à ce moment-là. Merci pour le cadeau !

    Nous pourrions gloser sans fin sur la nécessité d'encadrer l'Instruction En Famille... L'honnêteté nous commande de reconnaître que pour le bien d'enfants éventuellement en danger la vigilance soit de mise. Même si les cas sont très minoritaires, on ne peut malgré tout pas écarter que de tels cas peuvent exister. Et si un seul enfant est en danger, il est du devoir de tous et particulièrement de la république de lui venir en aide. Sur cela, nous serons bien évidemment tous d'accord !

    Cependant... Pour ce seul enfant qu'il faut sauver, faut-il pour autant jeter l'opprobre, la suspicion et la présomption de culpabilité sur toute une partie de la population ? Qui ne constitue même pas une communauté tant ses membres sont disparates, hétérogènes et éloignés géographiquement, politiquement, spirituellement,...

    Pour nos élus, la réponse à cette question est oui ! Si un seul fruit est pourri, il faut jeter tout le panier !

    C'est un peu comme si nous, citoyens, considérions dès qu'un politique est impliqué dans une fraude fiscale, un abus de bien social, une affaire de corruption, que tous les politiques sont corrompus, échappent au fisc ou se mettent de l'argent plein les poches. Nous nous en garderons bien, nous sommes plus intelligents qu'eux.

    Nous sommes donc le 10 décembre 1998. C'est un jeudi ! Le projet de loi a été examiné au Sénat, un grand concert de blablas a été organisé à l'Assemblée Nationale. Ce n'est plus qu'une formalité, la loi va être adoptée.

    Cette séance a donné lieu à un florilège de pépites fusant de tous bords. L'accord était parfait entre tous les flûtistes. L'hémicycle a raisonné comme un harmonium mélodieux.

    Si le courage vous étreint, rendez-vous compte par vous-même :

    COMPTE RENDU INTÉGRAL DES SÉANCES DU JEUDI 10 DÉCEMBRE 1998

    Pour les plus occupés, permettez-moi, comme dirait Rabelais, d'en extraire la "substantifique moelle".

    Le premier orateur prend la parole:

    " (...)  Je veux vous rappeler, à titre liminaire, qu’au moins 6 000 enfants de six à seize ans seraient aujourd’hui soustraits à l’école de la République et soumis à l’emprise de sectes pour leur éducation. Outre des menaces pour leur santé physique et mentale, ces enfants sont victimes de propagande sectaire et soumis à une manipulation dogmatique sous couvert de programmes éducatifs originaux. (...)"

    L'Hystérie républicaine Patrick Leroy,

    rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

    Parti Communiste - Plus député depuis 2002

    sa fiche )

    Ça commence fort : "au moins 6000 enfants" ! Vu que ce chiffre doit être peu ou prou celui de la plupart des enfants concernés par l'IEF à cette époque, difficile de ne pas croire que toutes les familles instructrices sont visées. Même si on ne sait pas d'où sort ce chiffre, rendons grâce au rapporteur de le minimiser avec une délicieuse pudeur. "Au moins" ! C'est dire qu'il préfère ne pas donner le vrai chiffre, celui qui est en sa possession exclusive (puisque personne ne l'a jamais vu nulle part). Dans le louable but de ne pas stigmatiser, sans doute ?

    Amateurs de Montessori, Freinet ou autres "programmes éducatifs originaux", vous êtes prévenus ! Les autorités ne sont pas dupes des manipulations mentales et "dogmatiques" que vous exercez sur les petits êtres que vous avez mis au monde dans le seul but d'entraîner vos talents de mini-gourou.

    "(... ) Pour conclure, je veux encore réaffirmer que l’école de la République doit être privilégiée pour promouvoir l’autonomie de l’enfant, l’épanouissement de sa personnalité et son ouverture sur le monde extérieur. Elle seule permet, en effet, de transmettre l’esprit des Lumières face à l’obscurantisme des sectes.(...)"

    P. Leroy

    On croit rêver ! Non seulement on a du mal à concevoir comment "l'ouverture sur le monde extérieur" peut naître confinée entre quatre murs et derrière des portails fermés à clé, mais on vient sans détour nous affirmer que l'esprit des Lumières ne peut être transmis que par l'école de la république. Absolument pas ailleurs ! Il n'y a que l'école de la république qui dispose de néons adéquats pour éclairer nos bambins.

    Après ce liminaire plein de sagesse, la ministre s'élance:

    "(...) Je tiens à souligner ici à quel point les débats menés en séance ont permis d’enrichir le texte initial et d’aboutir à son adoption, au Sénat, à l’unanimité. C’est dire que le débat que nous ouvrons ce matin dépasse les clivages partisans. (...)"

     L'Hystérie républicaine Ségolène Royal,

    ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire

    Parti Socialiste - Actuellement ministre de l'Ecologie

    sa fiche )

     

    Ben, tiens ! On l'a bien remarqué ! On n'a jamais vu unanimité aussi unanime ! Aucun clivage pour ce qui concerne l'IEF !

    "(...) Le second proclame la nécessité d’assurer prioritairement l’instruction au sein des établissements d’enseignement, afin qu’une loi qui date du XIXe siècle ne soit plus détournée de son objet initial.(...)"

    S. Royal

    Pour ce qui concerne "l'objet initial" de la loi, je vous renvoie à l'article consacré à Jules Ferry sur ce même blog. On y comprend mieux les motivations qui ont présidées à sa création et on comprendra qu'en effet, il est de première importance pour nos dirigeants que l'esprit de la loi ne soit pas "détourné".

    " (...) Bien souvent, au nom de l’instruction dans la famille, des enfants sont maintenus dans un état d’inculture, d’ignorance, ou pis encore, embrigadés, aliénés, maltraités. (...)"

    S. Royal

    Faut-il même seulement commenter une telle logorrhée inepte ? Les mots m'en tombent...

    Encore eut-elle commencé par "Quelquefois", "Il peut arriver que"... Mais non ! Directement un "Bien souvent" ! Comme ça ! Lancé en pleine assemblée nationale, sans vergogne ni finesse...

    Bien souvent, les politiques sont prêts à toutes les bassesses pour laisser leur nom à une loi !

    " (... ) Si la liberté des choix doit être préservée, elle ne signifie pas pour autant que tous ces choix soient équivalents ou doivent se faire au détriment de l’intérêt de l’enfant. Il nous appartient d’affirmer cette évidence, qui ne peut échapper à aucun parent, dans la loi que nous élaborons ensemble. (...)"

    S. Royal

    Autrement dit : "La liberté des choix, c'est bien mais c'est à nous de savoir quels sont les choix autorisés". Les choix ne sont pas équivalents : si c'était le contraire que vous aviez compris de la démocratie, revoyez votre copie.

    " (...) Il ne faut pas non plus que la présente loi ait un effet contraire à celui qui est recherché et que, en encadrant l’instruction par la famille, celle-ci se trouve banalisée voire encouragée. (... )"

    S. Royal

    Là, on sent que le doute l'assaille... Mais on sent surtout que la loi poursuit un objectif bien précis puisqu'elle en redoute "l'effet contraire". Et pourquoi donc, Madame Royal, l'instruction par la famille ne serait-elle pas "banalisée voire encouragée" ? Quel est le problème ?

    " (...) La représentation nationale, si elle adopte la proposition de loi, pourra compter sur moi pour prendre très rapidement les textes d’application qui donneront en particulier aux inspecteurs d’académie les moyens de protéger ces droits fondamentaux. (Applaudissements.)"

    S. Royal

    La liesse est générale, les applaudissements fusent, le spectacle réjouit tout le monde... Effectivement, comme nous le verrons plus bas, "la représentation nationale pourra compter sur [elle]" pour produire "les textes d'application". Sous la forme d'une circulaire dont nous traînons encore comme un boulet les restes carbonisés.

    Mais laissons un peu tranquille la ministre, nous aurons l'occasion d'y revenir.

    A sa suite, divers intervenants vont s'exprimer. Il n'y a plus rien à dire puisque tout le monde est pressé de voter oui mais tout de même, il serait dommage de ne pas avoir l'occasion de passer à la télévision pour canonner quelques vérités que le peuple doit connaître :

    " (...) Il aura fallu la mort d’un bébé de vingt-neuf mois dans une « communauté » des Hautes-Pyrénées, par suite de la malnutrition et du défaut de soins, pour reposer le problème de la situation des enfants vivant au sein des sectes et, par voie de conséquence, celui de l’obligation scolaire et des enfants qui y échappent.(...)"

     L'Hystérie républicaine Jean-Pierre Brard,

    Député de Seine saint-Denis

    Gauche Démocrate et Républicaine - Plus député depuis 2012

    sa fiche )

     

    Les faits rappelés par ce député sont dramatiques mais il faut quand même avoir le culot bien accroché pour nous faire admettre que l'école obligatoire à partir de 6 ans permettra d'éviter le tragique décès d'un enfant de 29 mois !!!! Réunir dans la même phrase deux propositions aussi éloignées et justifier la mise en application d'une loi sur un sujet donné par un événement qui n'a strictement rien à voir, reconnaissons que c'est de la haute-voltige.

    On a beau lire et relire cette phrase dans tous les sens, impossible de trouver le moindre rapport entre la mort d'un enfant de moins de trois ans et l'obligation scolaire. Mais nous avons là à faire à un champion de première envergure parce que peu de temps après cet exercice rhétorique qui ferait pâlir de jalousie l'avocat de Klaus Barbie, il nous avoue sans broncher :

    " (...) Qu’en est-il réellement? Ou plutôt qu’en sait-on, car la réalité va certainement bien au-delà de ce que nous savons ?(...)"

    J.P. Brard

    Il le dit lui-même : il n'en sait rien. Et d'ailleurs, personne n'en sait rien. Mais peu importe puisqu'il suppose... Il imagine... La réalité est bien pire que ce que l'on ne sait pas ! La loi est donc indispensable ! CQFD !

    Mais attendez un peu, un autre argument imparable nous attend:

    "(...) Enfin, de 30 000 à 40 000 enfants au moins de familles membres des Témoins de Jéhovah sont bien scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation nationale, mais ils reçoivent en fait une double scolarisation, dans les fameuses « salles du Royaume ». (...)"

    J.P. Brard

    Vous voyez ! Il s'agit bien d'enfants embrigadés dans une secte... Et ils sont bien scolarisés dans l’Éducation Nationale... Donc, pour faire face à ce problème, il faut surveiller ceux qui ne sont pas scolarisés dans l’Éducation Nationale ! Re -CQFD !

    Passons à l'orateur suivant:

    " (... ) Mais, au-delà du problème des sectes, elles [ces dispositions] permettront également de mieux contrôler le niveau de l’éducation à domicile, tant pour certains publics particuliers, comme les handicapés ou les itinérants, que pour tout enfant recevant un enseignement familial. Cet aspect du texte est plus important que l’on ne pourrait le penser à l’heure où le développement des nouvelles technologies rendra plus accessible l’enseignement à domicile et multipliera certainement le nombre des élèves qui étudieront chez eux. (...)"

      L'Hystérie républicaine Bruno Bourg-Broc,

    Député de la Marne

    UMP - Plus député depuis 2012

    sa fiche )

     

    C'est une évidence, voyons ! Il faut s'adapter au monde moderne. Ce texte est important puisqu'à l'heure où les moyens de s'instruire librement, de s'informer facilement en-dehors de la doxa officielle se développent, il est urgent de contraindre tout cela. L'Instruction En Famille est devenue plus accessible. Donc, tous les parlementaires sont unis pour brider cet insupportable affront du peuple de vouloir accéder au savoir sans passer par eux et les programmes scolaires qu'ils autorisent.

    Au suivant :

    "(...) J’émettrai d’abord une évidence rassurante, madame la ministre (...) : renforcer le contrôle de l’obligation scolaire, c’est confirmer la place essentielle de l’école dans la construction d’une société ouverte et responsable. L’école est bien ce lieu où l’enfant découvre et comprend notre monde. (...) L’instruction en famille, qu’elle soit ou non sectaire, doit demeurer une exception.(...)"

       L'Hystérie républicaineChristian Kert,

    Député des Bouches-du-Rhône

    UMP - Actuellement député

    sa fiche )

     

    Là, au moins, c'est clair ! On comprend tout de suite dans quel camp est ce monsieur. Pas le nôtre visiblement !

    Un petit rayon d'espoir semble néanmoins percer dans le ciel noir, avec un député plus nuancé:

    " (...) Si le phénomène sectaire doit être combattu car il porte atteinte à la dignité de la personne et à l’ordre public, s’il doit être spécialement combattu pour préserver les enfants des excès des adultes, il est cependant difficile à appréhender. Le combat contre les  sectes doit être apprécié au regard de la liberté de conscience et de la liberté d’enseignement, qui sont des principes fondamentaux de notre République. (...) Cependant, ce contrôle des connaissances ne doit pas se faire au mépris des exigences constitutionnelles de la liberté d’enseignement et de la liberté de conscience. En effet, la liberté d’enseignement est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. (...)"

       L'Hystérie républicaineGilbert Gantier,

    Député de Paris

    UDF - Décédé

    sa fiche )

     

    Ouf ! On respire ! Enfin une parole sensée et surtout, enfin un rappel des vrais principes fondamentaux de notre république.

    " (...) Sous ces quelques réserves, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la proposition de loi. (...)"

    G. Gantier

    Et non, raté ! On est réservé mais on vote quand même. Il ne s'agirait pas de trahir les copains en rejoignant la cause des insoumis, même s'ils n'ont pas tort...

    A l'issue de ce débat passionnant, ou les expressions contradictoires ont eu toute leur place, la ministre reprend brièvement la parole:

    " Je me félicite également de la qualité des interventions et de l’accord de l’ensemble des groupes pour reprendre la proposition de loi (...)"

    S. Royal

    On la comprend ! Comment ne pas se féliciter soi-même de l'intervention des autres ? Et comment ne pas apprécier la qualité de tous ces discours qui concordent à vous donner raison ? Il ne faut pas bouder son plaisir.

    Cette belle démonstration de l'efficacité sans faille de nos institutions démocratiques achevée, il ne restait plus à Madame Royal qu'à signer d'une plume déterminée et vengeresse les textes qui permettraient enfin à l’État de reprendre la main sur l'instruction de tous les enfants qui sont sous sa coupe... bienveillante.

    Ce fut fait avec la Circulaire n° 99-070 du 14 mai 1999.

    Quelques extraits choisis:

    "Chaque année, plusieurs milliers d'enfants échappent à l'École de la République."

    Naïvement, il me semblait qu'on pouvait échapper à la prison, à la guerre, à la mort, enfin, à des choses désagréables. Mais non, on peut aussi échapper à l'école... Et il semble que ce soit intolérable !

    "Trop souvent, ces enfants sont maintenus dans un état d'inculture, d'ignorance, ou pire encore, embrigadés, aliénés, maltraités."

    Tiens, il me semble avoir déjà vu cette phrase quelque part. Quand on tient une bonne maxime, ce serait dommage de ne pas la réutiliser... Même si on peut se demander ce que des jugements de valeur viennent faire dans un texte réglementaire. Notez que le "bien souvent" a discrètement été remplacé par un plus modeste "trop souvent". Il ne faudrait pas paraître trop catégorique.

    "L'instruction dans la famille, qui fait l'objet d'un régime déclaratif, doit revêtir un caractère exceptionnel, répondant en particulier aux cas d'enfants malades ou handicapés ou à certaines situations particulières."

    Aucune loi ne disait à l'époque — pas plus que maintenant — que l'Instruction En Famille est réservée à des cas particuliers mais qu'à cela ne tienne, on n'a qu'à l'affirmer dans la Circulaire. Aucune loi ne parle de caractère exceptionnel mais seulement d'un droit librement choisi, mais qu'à cela ne tienne...

    "Les poursuites pénales peuvent donc être engagées, quelles que soient les raisons du manquement, volonté délibérée d'échapper au contrôle ou simple négligence. S'agissant d'une contravention, l'autorité judiciaire n'a, en effet, pas à caractériser une intention de commettre l'infraction."

    Bien pratique, ça ! Même si vous n'aviez aucune intention de commettre une infraction, on peut vous punir quand même.

    "Il est évident qu'une attention toute particulière doit être accordée aux enfants ayant échappé au système scolaire, dans la mesure où ils ont été les victimes d'un mode d'éducation qui les a privés de leur droit à l'instruction."

    Encore une affirmation générale sans fondement. "Ils pourraient" avoir été les victimes... "Il faut s'assurer" qu'ils n'ont pas été les victimes... Ces propositions pourraient être acceptables par n'importe quel esprit raisonnable. Mais non ! On condamne a priori : le simple fait d'avoir "échappé" (décidément, c'est une phobie !) au système scolaire les rend "victimes d'un mode d’éducation qui les a privés, gnagnagna gnagnagna..."

    [N.B. : Cette circulaire n'est plus en vigueur actuellement. Elle a été remplacée par la circulaire n°2011-238.]

    En extirpant ce cadavre du placard, il ne s'agit pas de s'attaquer gratuitement à la personne de Ségolène Royal ni à celles de tous les individus cités. Il s'agit seulement de prendre conscience de la manière dont la lutte est menée pour mieux s'y préparer à nouveau. Cet immense délire républicain qui a fait frissonner l'ensemble des bancs des deux chambres peut reprendre demain.

    Madame royal est encore en mesure de nuire : sa carrière politique n'est pas achevée et elle occupe actuellement des fonctions importantes. Heureusement pour nous, elle a pour l'heure enfourché un autre cheval. Mais nous ne sommes jamais à l'abri d'un remaniement ministériel qui la propulserait en tête de la guerre sainte pour une école pure, en première ligne de l'Inquisition républicaine qui pourrait excommunier et exorciser les infidèles.

    Certains des intervenants sont encore députés à ce jour, d'autres ont perdu leur siège à la dernière élection, rien ne dit qu'ils ne le regagneront pas à la prochaine. Ne soyons pas dupes, leur croisade reprendra dès qu'ils en auront une nouvelle occasion.

    S'il est une vérité sur les fanatiques, c'est qu'il est impossible de leur faire changer d'idées. C'est le danger qui plane sur les victimes des sectes. Et la secte de l'école républicaine est, jusqu'à preuve du contraire, celle qui fait le plus de mal aux petits enfants de France.

     
     
     
     
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