• Ça sent le Fenech !

    Encore un petit coup d’œil dans le rétroviseur. Dans l'Hystérie républicaine, nous avons vu comment en 1998, la république dans son entier avait mis au pas les vilains réfractaires qui permettaient à leur progéniture "d'échapper à l'école de la république".

    Pensez-vous que leur juste combat allait s'arrêter là ? Que nenni ! Après ce magistral coup de torchon, il devait bien rester quelques miettes de sectarisme dans le fond des poches des parents instructeurs.

    big fenech

    C'est pourquoi en novembre 2002, on a créé la MIVILUDES. Mais qu'est-ce donc que la Miviludes ? C'est la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires.

    Bref, on ne sait pas ce que c'est ! Un aréopage de personnes autorisées (on ne sait pas par qui) qui écrivent des rapports (on ne sait pas pourquoi). A ce jour, aucun de ces rapports annuels n'a mis en évidence la moindre relation entre l'instruction en famille et une quelconque dérive sectaire.

    Et pourtant, c'est le cheval de bataille d'un député, ancien magistrat, du nom de Georges Fenech. Qui du reste présidera la Miviludes de 2008 à 2012, en récompense sans doute du brillant affrontement qu'il mena auparavant contre les insoumis scolaires.

    Quand vous pensez au fennec, vous pensez immédiatement à ce mignon petit animal du désert avec ses grandes oreilles :

    fennec

    Mais c'est aussi une autre espèce d'animal. A l'orthographe un peu différente: le Fenech. Attention, pour les différencier, il faut bien observer les oreilles :

    georges fenechGeorges Fenech

    UMP - Député du Rhône

    (sa fiche)

    Ce député présida de juin 2006 à juin 2007 une commission d'enquête parlementaire dénommée (installez-vous confortablement, ça va être long) : Commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs.

    Au début de l'année 2007, dans sa croisade épurative contre les comportements déviants, le député (et pas encore le président de la Miviludes, ça n'a rien à voir, suivez un peu !) a eu l'honneur de déposer des amendements pour contribuer à l'amélioration d'une loi qui n'avait aucun rapport mais bon, il fallait bien écrire ça quelque part.

    Du reste, pas gêné, il le dit lui-même en introduction de son intervention :

    "Je sais parfaitement, monsieur le ministre, que votre texte ne concerne pas le phénomène sectaire, mais les enfants victimes des mouvements à caractère sectaire constituent aussi une réalité, dont il faut tenir compte."

    Voilà ! Une fois que le postulat est posé et qu'on a bien précisé qu'on ne parlait pas du tout de la même chose, on va pouvoir débattre sereinement.

    Replongeons-nous en cette séance à l'Assemblée Nationale du 9 janvier 2007. C'était un mardi... Ce qui n'a aucune espèce d'importance.

    Le document est extrêmement long. Aussi, extirpons-en seulement le verbatim qui nous intéresse.

    Après le propos liminaire sus-cité, monsieur Fenech poursuit son intervention:

    "Les amendements que j’ai déposés s’inscrivent dans cette logique (...). Oui, monsieur le ministre, je proposerai à l’Assemblée nationale (...) vingt et un amendements à votre projet de loi. (...)

    Force est de constater que les enfants instruits dans les familles ou dans un établissement privé hors contrat ne bénéficient pas de la même protection médicale et des mêmes contrôles médicaux obligatoires dès l’âge de six ans comme les autres enfants scolarisés. Je proposerai donc de les inclure dans le code de la santé publique comme bénéficiaires de ce contrôle médical obligatoire au même titre que les autres enfants de la République."

    Comme nous sommes honnêtes, nous reconnaîtrons volontiers qu'en effet, nous ne sommes pas soumis aux mêmes contrôles médicaux obligatoires. Y-a-t-il vraiment urgence à les imposer ? A-t-on connaissance de cas où des enfants instruits en famille seraient victimes d'abandon de soins ? Peu importe, finalement. Au nom de l'égalité républicaine, pourquoi ne pas le proposer. Concédons ce point, ce n'est pas le plus choquant.

    "Ensuite, sans remettre en cause la liberté d’enseignement dans les familles, notre commission a considéré qu’il fallait justifier d’une cause légitime pour priver l’enfant des avantages d’une scolarisation dans un établissement public ou privé. Nous avons proposé des critères objectifs comme l’état de santé, le handicap, le déplacement de la famille ou toute autre raison réelle ou sérieuse."

    Qu'on se le dise ! Avoir pour conviction que l'instruction en famille est plus épanouissante et plus riche, avoir pour ambition le bien-être et le développement harmonieux de ses enfants, ce ne sont pas des raisons "réelles ou sérieuses".

    Il n'empêche... En tant que chargé de famille et après la lecture soigneuse des classements internationaux et des études sur l'état de l'école française, je me suis réuni en commission et "sans remettre en cause la liberté des familles à inscrire leurs enfants à l'école, j'ai considéré qu’il fallait justifier d’une cause légitime pour priver mon enfant des avantages d’une déscolarisation."

    "Je sais que cette proposition soulève des difficultés et inquiète certaines familles."

    Pensez-vous ! Il n'y a aucune raison de s'inquiéter quand on nous dit qu'on voudrait nous empêcher de retirer nos héritiers chéris d'un système scolaire parmi les plus déclinants du monde.

    Mais Monsieur Fenech va se montrer rassurant:

    "Je rappelle que d’autres pays européens, à l’instar de l’Allemagne, rendent obligatoire la scolarisation des enfants."

    Vous voyez, vous êtes rassurés. Comment oserez-vous encore parler d'atteinte à la liberté puisque nous pouvons copier une loi allemande qui date de... (suspense !) de... ?

    Voyez-vous même :

    Loi du 6 juin 1938 relative à la scolarité obligatoire en Allemagne

    N'est-ce pas que c'est parfaitement rassurant ? Nos libertés n'ont décidément rien à craindre.

    Bien sûr, cette loi n'est plus tout-à-fait celle en vigueur en Allemagne. Fort heureusement, elle a été transformée et aménagée et connaît quelques déclinaisons selon les länder. Mais avouons cependant qu'en connaissant le nom du signataire originel, il est difficile d'avaler la pilule qu'on nous prescrit ensuite:

    "C’est le gage, pensons-nous, d’une éducation de qualité, d’une ouverture d’esprit de l’enfant pour lui permettre de devenir, au contact des autres, un citoyen libre et éclairé au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant. (...)"

    Il me semble avoir sauté la page de mon livre d'histoire où il est dit qu'Adolf Hitler était sensible aux arguments de la convention internationale des droits de l'enfant.

    Certes, j'ironise mais il me reste en travers de la gorge qu'on puisse affirmer qu'une loi à l'origine nazie est "le gage" de quoi que ce soit dans une démocratie.

    Monsieur Fenech nous cite ensuite, à l'appui de ses convictions, le cas d'une communauté du sud de la France. N'ayant pas eu l'heur de me renseigner plus avant sur cette affaire, je ne la jugerai pas sur le fond. Néanmoins, même si les faits sont avérés, cela ne rend pas pour autant les autres parents instructeurs complices ou suspects par présomption.

    "(...) Je vous pose la question, monsieur le ministre : est-il normal, au nom de la liberté d’enseignement dans les familles, de priver un enfant de toutes les autres libertés fondamentales, reconnues par la Convention internationale des droits de l’enfant ?"

    Réponse courageuse du ministre:

    "Évidemment non !"

    philippe bas

     

    Philippe Bas,

     Ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille (2005-2007).

    UMP - Actuellement sénateur

    (sa fiche)

     

     

     

    Fort de ce soutien laconique mais sincère, Monsieur Fenech continue sa plaidoirie:

    " La représentation nationale ne peut pas évacuer cette question sous prétexte de respect d’une liberté inscrite dans la Constitution et non précisée par nos textes. (...)"

    Il a raison, Monsieur Fenech ! On s'en fout de la constitution si c'est pas précisé par nos textes. Vous voyez bien qu'il y a moyen messieurs-dames les députés, sautons sur l'occasion.

    Mais admirons la belle conclusion de ce joli discours:

    "Je ne doute pas, monsieur le ministre, mers chers collègues, que vous serez sensibles à la situation dramatique que vivent environ 60 000 à 80 000 enfants dans notre pays, en accueillant favorablement mes amendements. (Applaudissements sur tous les bancs.)"

    Et oui ! Encore une fois l'unanimité dans la salle. Décidément, cet épineux problème de l'instruction en famille est la seule cause en France qui permette l'union nationale. Ça se vérifie à toutes les époques. Il n'y a véritablement pas d'autres problèmes urgents qui soit capable de fédérer à ce point toutes les énergies de la république.

    Il faut dire que le danger est patent ! Imaginez : 60 000 à 80 000 enfants !

    Ce chiffre étant à peu près le double de celui des enfants instruits à domicile, on peut en conclure que TOUS les enfants instruits en famille sont sous emprise sectaire. Ce n'est pas monsieur Fenech qui le dit, ce sont les mathématiques.

    Mais comme Monsieur Fenech est magistrat et pas mathématicien, il ne s'est peut-être pas rendu compte qu'on peut aussi en conclure qu'il reste 30 à 40 000 enfants dans sa liste qui sont bel et bien instruits à l'école.

    Si j'étais au gouvernement, je créerais une Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Scolaires . Mais je ne suis pas au gouvernement, je ne suis pas assez intelligent pour ça.

    On pourrait légitimement se demander s'il est utile de revenir sur des faits vieux de bientôt 10 ans ? Il se trouve que ce ne sont pas tant les faits qui m'intéressent, même si le passé est toujours éclairant pour le présent, mais plutôt la personne concernée.

    Car la lutte contre les sectes est une des marottes de Monsieur Fenech. Et son obsession à lier les sectes à l'instruction en famille ne l'a jamais lâché. Or, à ce jour, il est encore député. Et vous savez quoi ?

    Il est président d'un groupe d'études sur... les sectes !

    L'Histoire, dit-on, est un éternel recommencement. Alors, qu'on me permette de garder ce personnage sur la liste de ceux qui requièrent toute notre vigilance.

     
     
     
     
     
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  • Commentaires

    1
    demipoire
    Mardi 31 Mars 2015 à 22:36

    BRILLANT!

    Et merci pour le lien: Loi du 6 juin 1938 relative à la scolarité obligatoire en Allemagne

    Très instructif!

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